Sa grande popularité l’aura menée aux plus hautes responsabilités : la juriste Vjosa Osmani a été élue dimanche présidente du Kosovo. Elle incarne, avec son allié, le nouveau Premier ministre réformiste de gauche Albin Kurt, une classe politique d’une nouvelle génération, après des années de règne des anciens commandants rebelles de la guerre d’indépendance contre les forces serbes (1998-1999). Le duo exécutif sera soumis aux pressions renouvelées de l’Union européenne et des Etats-Unis, le plus grand allié du Kosovo, pour relancer le dialogue avec la Serbie.
Une professeure polyglotte dans un raz-de-marée électoral
Vjosa Osmani est née dans la ville divisée de Mitrovica (Nord), il y a 38 ans. Professeure de droit à l’Université de Pristina, elle a effectué son doctorat aux Etats-Unis et parle cinq langues : l’albanais, le serbe, l’anglais, le turc et l’espagnol.
Elle a fait son entrée au Parlement en 2011 sous l’étiquette de la Ligue démocratique du Kosovo (LDK, centre-droit), le parti de l’ancien président Ibrahim Rugova. Elle en a claqué la porte lorsque la LDK a provoqué, en 2020, la chute du précédent gouvernement d’Albin Kurti au début de la crise du Covid, qui menaçait de submerger les services de santé. Elle a créé sa propre formation, Guxo (Osez), avant de s’allier au mouvement Vetevendosje (VV, autodétermination) du Premier ministre.
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Vjosa Osmani et son Premier ministre Albin Kurti ont bénéficié d’un raz-de-marée électoral aux législatives de février. Mais c’est elle qui a rassemblé sur son nom plus de 300 000 voix, un score qui frôle celui obtenu jadis par Ibrahim Rugova, considéré comme le père de la nation kosovare. Avec 71 votes de députés sur 120, elle transforme l’essai au poste de présidente, qu’elle occupait par intérim depuis quelques mois en remplacement de Hashim Thaçi, inculpé pour crimes de guerre en novembre par la justice internationale. Une victoire restée incertaine jusqu’au dernier moment du fait du boycott de la séance parlementaire par des partis d’opposition, en particulier les formations des anciens guérilleros et par des représentants de la minorité serbe.
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Son cheval de bataille : la lutte contre la corruption
Vjosa Osmani est l’une des premières à avoir parlé de la corruption d’élites qui semblaient toutes puissantes dans le territoire pauvre d’1,8 million d’habitants, dont les maux économiques ont été aggravés par la pandémie. Les médias kosovars saluent en elle une personnalité «qui n’a peur de rien». Selon l’intéressée, les nouveaux dirigeants du Kosovo ont «d’excellentes idées» pour affronter les nombreux défis qui s’annoncent «mais rien ne sera possible si nous ne démolissons pas le mur énorme et solide du crime et de la corruption érigée au fil des années».
Lors de sa prestation de serment, elle a promis : «de renforcer l’Etat, l’Etat de droit» et s’est engagée à être la «présidente de tous» : «Nous ne sommes pas si nombreux pour nous diviser. Ma porte sera ouverte à tous».
Un vent de féminisme
La nouvelle présidente confirme la montée en puissance des femmes sur la scène politique de l’ancienne province de Belgrade, qui a déclaré son indépendance en 2008. Le gouvernement compte six femmes ministres sur quinze, soit un niveau jamais atteint dans un territoire où les idées patriarcales sont profondément enracinées. Sur 120 députés, un tiers sont des femmes.
«Les femmes ont le droit d’être là où elles le veulent, a revendiqué Vjosa Osmani après sa victoire, peinant à retenir ses larmes. N’arrêtez pas, n’arrêtez pas d’aller de l’avant. Tous vos rêves peuvent devenir réalité».
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