L’instant est magique, ancré dans la tradition. A l’instant où le roi Charles III lui a serré la main, le chef du Labour, Keir Starmer, est devenu le 58e Premier ministre britannique. Le souverain lui a demandé vendredi midi de remplir cette fonction et de former un gouvernement, ce qui devrait être fait dans les prochaines heures. Lors d’un ballet parfaitement fluide, le grand vainqueur des élections a succédé à son prédécesseur conservateur Rishi Sunak, qui a présenté sa démission au roi. La nomination de Keir Starmer, dont le parti travailliste a remporté 412 sièges (sur 650), a été officialisée par un communiqué du Palais de Buckingham et la publication d’une photo de la poignée de main.
Celui-ci a ensuite déclaré devant le 10, Downing Street, sa nouvelle résidence, et devant la presse, les caméras du monde entier et toute son équipe : «le changement commence immédiatement», tout en s’engageant à mener une «reconstruction calme et patiente», qui soit également marquée par le «respect» et l’«humilité». «Nous avons changé le Parti travailliste, nous l’avons remis au service du pays – c’est ainsi que nous gouvernerons, a-t-il assuré. Le pays d’abord, le parti ensuite.» «Cela prendra un certain temps, mais [...] n’ayez aucun doute que nous reconstruirons la Grande-Bretagne en créant de la richesse dans chaque communauté», a-t-il promis.
Quelques minutes plus tôt, le perdant Sunak s’était présenté pour la dernière fois devant le 10, Downing Street et avait exprimé ses profonds «regrets» après la défaite.
A peine nommé, Starmer a annoncé la liste des principaux ministres de son nouveau gouvernement. Sans surprise, Angela Rayner, numéro deux du parti travailliste, devient vice-Première ministre, ainsi que ministre du Logement et du Rééquilibrage territorial. Son parcours est beaucoup plus surprenant : originaire de Stockport, dans le nord de l’Angleterre, elle a grandi dans un logement social et s’est occupée très jeune s’est occupée de sa mère bipolaire, illettrée et qui ne travaillait pas. Elle a quitté l’école sans diplôme et, à 16 ans, s’est retrouvée mère célibataire. Quelques années plus tard, elle a eu un autre enfant, un très grand prématuré, qui est presque aveugle. « J’ai un doctorat en « vie réelle », a-t-elle résumé. Ces défis ne m’ont pas cassée. Je sais quelles sont mes forces ».
Rachel Reeves, ex-économiste de la Banque d’Angleterre, a, elle, été nommée ministre des Finances du Royaume-Uni et devient la première femme à occuper ce poste. « Il n’y a pas de solution miracle et des choix difficiles nous attendent », a ajouté celle qui répète depuis des mois que le Labour est désormais « le parti naturel des entreprises ».
David Lammy, un avocat descendant d’esclaves et ami de l’ancien président américain Barack Obama, devient ministre des Affaires étrangères. Responsable des questions internationales au sein du Labour depuis deux ans, il prône un « réalisme progressiste ». « (Cela consistera à) prendre le monde tel qu’il est, pas tel que l’on voudrait qu’il soit », mais aussi à « croire qu’on peut rendre à la Grande-Bretagne son avenir tout en réalisant des choses pour le monde », a-t-il résumé. Selon lui, la diplomatie britannique « a besoin de redécouvrir l’art de la grande stratégie » après l’amère sortie du pays de l’Union européenne.
Le ministère de l’Intérieur échoit à Yvette Cooper, chargée de ce dossier depuis 2021 au Labour, après avoir déjà occupé ce poste entre 2011 et 2015. Candidate malheureuse à la tête du Labour face à Jeremy Corbyn en 2015, elle s’est illustrée au Parlement avec ses interventions pugnaces, lui donnant une image d’autorité cruciale pour ce dossier. A la tête du Home Office, elle héritera de l’immigration, sujet majeur dans la campagne et souvent considéré comme un point faible des travaillistes. Elle devra incarner une ligne qui se veut ferme -réduction de l’immigration légale et lutte contre les arrivées irrégulières- mais aussi plus humaine avec l’abandon du projet conservateur d’expulsions vers le Rwanda.