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Kosovo : alimentation cruciale en eau, accusations contre la Serbie… Ce que l’on sait de l’explosion d’un canal stratégique

Une détonation à l’origine encore inexpliquée a endommagé ce vendredi 29 novembre un canal vital pour le Kosovo, qui accuse son voisin serbe, dans un contexte déjà tendu entre les deux pays.
Des policiers patrouillaient à proximité du canal endommagé, près de la ville kosovarde de Zubin Potok, ce samedi 30 novembre 2024. (Valdrin Xhemaj/Reuters)
publié le 30 novembre 2024 à 16h11

Le Kosovo est plongé dans une double crise ce samedi 30 novembre, à la suite d’une explosion sur l’infrastructure d’un canal. Aux vives craintes pour l’approvisionnement en eau et en électricité dans le pays, s’ajoutent de vives tensions avec la Serbie, voisine et antagoniste de longue date, que Pristina accuse d’avoir fomenté cette «attaque», ce que Belgrade dément. Libé fait le point.

L’attaque

Vendredi, une explosion a laissé un trou béant dans l’un des murs en béton du canal Ibar-Lepenac, près de la ville de Zubin Potok, dans le nord du Kosovo. La structure approvisionne en eau potable des centaines de milliers d’habitants dans cette zone - à majorité serbe - et une partie de la capitale, Pristina. Cette eau est également essentielle au refroidissement de deux centrales thermiques, dont l’arrêt plongerait le pays entier dans le noir.

Kosovo Une explosion a endommagé le canal Ibar-Lepenac, essentiel pour l’électricité et l’eau potable du Kosovo. Pristina accuse la Serbie de sabotage, qui dément et condamne l’attaque

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— Prémices (@premices.bsky.social) 30 novembre 2024 à 14:22

«Environ un quart» de l’approvisionnement en eau était assuré samedi matin, a annoncé le Premier ministre kosovar, Albin Kurti, en visite sur les lieux de l’explosion.

L’enquête de police

Selon le chef du gouvernement kosovar, la police «a procédé à des fouilles et à des arrestations» et «recueilli des témoignages et des preuves. Les criminels et les terroristes devront affronter la justice et la loi», a-t-il affirmé. «L’attaque a été menée par des professionnels. Nous croyons que cela vient de gangs dirigés par la Serbie», a-t-il ajouté.

Dans un premier communiqué après un Conseil de sécurité dans la nuit, le gouvernement kosovar avait déjà affirmé que «les premières indications suggèrent» que cette explosion a été «orchestrée par l’Etat serbe, qui est doté des capacités pour mener une telle attaque criminelle et terroriste».

Dans ce contexte, le Conseil de sécurité a «approuvé des mesures supplémentaires pour renforcer la sécurité autour des installations et des services essentiels, tels que les ponts, les transformateurs, les antennes, les lacs, les canaux, etc.».

Les environs du canal sont depuis vendredi soir protégés par la Kfor, la force de l’Otan au Kosovo, a fait savoir l’organisation dans un communiqué.

La réaction serbe

La Serbie, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, a dès ce samedi matin rejeté toute responsabilité dans l’explosion et condamné «avec la plus grande fermeté» cet «acte de sabotage inacceptable».

La Serbie «nie sans équivoque toute implication» et dénonce des «accusations sans fondement», «irresponsables» et «inquiétantes», a déclaré un peu plus tard le président serbe Aleksandar Vucic dans un communiqué et une vidéo postée sur Instagram. Ces «allégations infondées visent à ternir la réputation de la Serbie et à saper les efforts visant à promouvoir la paix et la stabilité dans la région», a-t-il dit.

Sur le réseau social X, le chef de la diplomatie serbe Marko Djuric a même sous-entendu que le «régime» kosovar pourrait être «potentiellement impliqué» dans l’attaque.

La «destruction» du canal a été également dénoncée «avec la plus grande fermeté» par le principal parti politique des Serbes du Kosovo, la Liste serbe, proche de Belgrade. «Cet acte va absolument à l’encontre des intérêts du peuple serbe et nous réclamons à la Kfor et à Eulex [la mission européenne de police et de justice] de mener une enquête en urgence», a déclaré le parti dans un communiqué.

Les tensions historiques entre le Kosovo et la Serbie

Les relations entre Belgrade et Pristina ne se sont jamais apaisées depuis la fin de la guerre en 1999. Elles connaissent des regains de tensions réguliers, notamment dans le nord du Kosovo où vit une importante communauté serbe. La Serbie n’a jamais accepté l’indépendance de son ancienne province proclamée en 2008

L’attaque de vendredi fait suite à une série d’incidents dans le Nord, notamment des grenades lancées contre un bâtiment municipal et un poste de police en début de semaine. Elle survient aussi alors que des élections législatives doivent se tenir le 9 février au Kosovo.

Les réactions internationales

Les appels au calme se sont multipliés depuis vendredi soir. La France a «condamné» ce samedi après-midi l’attaque et demandé «que toute la lumière soit faite sur cet attentat», qui «aurait pu avoir des conséquences considérables, notamment sur l’approvisionnement en eau et en électricité du Kosovo», selon une déclaration du ministère des Affaires étrangères.

Le chef de la diplomatie de l’Union européenne Josep Borrell a aussi condamné un «acte abject de sabotage contre les infrastructures civiles essentielles du Kosovo», dénonçant «une attaque terroriste».

Tout en condamnant un «acte de sabotage», le Premier ministre albanais, Edi Rama, a d’ailleurs pressé l’UE de donner un nouvel élan aux discussions entre les deux pays. «Il est temps que le dialogue soit traité dans le cadre des relations bilatérales entre l’UE et le Kosovo ou la Serbie, qui sont l’un comme l’autre des Etats indépendants», a-t-il plaidé.

Mise à jour : à 17h37, avec l’ajout des réactions de la France et de l’UE.