«La Catalogne souffre de sa pire sécheresse depuis un siècle», souffle le président du gouvernement régional catalan, Pere Aragonès, qui a convoqué ce jeudi 1er février une conférence de presse. Il s’apprête à décréter l’état d’urgence sécheresse dans l’agglomération de Barcelone après des semaines à retarder l’annonce fatidique. Depuis trois ans, la Catalogne et sa capitale connaissent une sécheresse inédite. Depuis l’automne 2020, le déficit global des précipitations s’élève à 500 millimètres, ce qui a entraîné un stress hydrique. Les réservoirs d’eau de pluie se vident, passant il y a quelques jours sous la barre des 16 % de réserves disponibles. Or, l’eau potable de Barcelone et de ses alentours est extraite, en temps normal, à 80 % de ces réservoirs.
Deux niveaux de gravité avant la sécheresse totale
Mais dans ceux du Ter et du Llobregat, en amont de la capitale catalane, il ne reste que 99,88 hm3 d’eau. Selon le plan spécial sécheresse mis en place par les autorités catalanes, lorsque le taux d’eau disponible descend en dessous de 100 hm3 par réservoir, l’entrée en phase d’urgence doit être décrétée. Le Plan spécial sécheresse est divisé en six phases. Après l’urgence décrétée ce jeudi, il reste deux niveaux de gravité avant un état de sécheresse total.
Cette décision engendre des restrictions sévères pour les 6 millions d’habitants des 202 communes qu’elle touche : interdiction de remplir sa piscine, de laver sa voiture, d’arroser les espaces verts en dehors de l’arrosage de survie des arbres. S’ajoute à cela une utilisation maximum de 200 litres d’eau potable par jour et par personne. Pour répondre à ces obligations, des baisses de pressions au robinet sont attendues et des sanctions seront prises face aux communes qui ne respecteraient pas les restrictions. Pourtant, les Barcelonais font partie des plus économes en eau avec seulement 106 litres utilisés en moyenne par jour et par personne. A titre de comparaison, les Français en utilisent en moyenne 149 litres.
Une production d’eau douce à assurer
L’agriculture et l’industrie seront les secteurs les plus touchés par ces restrictions. Avec l’obligation de réduire de 25 % leur utilisation d’eau pour l’industrie, contre 80 % pour les agriculteurs et 50 % pour les éleveurs. Très impliqués dans le mouvement social européen actuel, les agriculteurs catalans ont prévu de se regrouper dans les prochains jours à Barcelone puis le 21 février à Madrid pour protester contre ces restrictions.
En attendant la pluie, les deux usines de dessalement de la région tournent à plein régime pour assurer une production d’eau douce. Leur capacité leur permet de produire au maximum 80hm3 d’eau par an. Insuffisant pour compenser le manque. Le gouvernement de Pere Aragonès a évoqué l’idée de ravitailler Barcelone en eau potable par bateau-citerne arrivant de Tarragone ou de Marseille. Lors de la sécheresse de 2008, ce mode de transport de ressources avait déjà été utilisé.
Dans ce bassin hydrographique pauvre en eau, les épisodes de sécheresses ne sont pas inhabituels, mais le changement climatique serait un facteur aggravant. En dix ans, les vagues de chaleur ont triplé en Espagne.