Ils sont une petite centaine, ce soir-là, dans la pénombre d’un modeste square coincé entre les rues Consell de Cent et Calàbria, au cœur de l’Eixample barcelonais. Les chaises ont été disposées en cercle, chacun prend la parole à tour de rôle, les requêtes pleuvent, la nécessité d’une solution radicale s’exprime haut et fort. «Ça suffit, s’écrie une jeune fille blonde. Si ça continue comme ça, on va tous êtres expulsés de Barcelone. C’est tout bonnement impossible de trouver un logement décent à un prix décent !» Etudiants, artisans, professionnels à leur compte, retraités… Chacun y va de son couplet pour expliquer en quoi cette question est au mieux un casse-tête, au pire un cauchemar.
Josué, Chilien de 26 ans : «On vit avec mon épouse enceinte chez sa mère pour 600 euros. Partir, cela veut dire débourser 1 200 euros, c’est impossible ! On va devoir rentrer au Chili.» Nuria, 56 ans, architecte : «Moi je m’en sors bien avec un 90m2 pour 1 500 euros, je suis une privilégiée. Mais mon fils, presque 30 ans, salarié, doit partager un appart avec quatre colocataires !» Julia, jeune étudiante : «On doit s’entasser à six dans un 76 m², pour 400 euros chacune. Et on n’a pas trouvé mieux. Barcelone est envahi par les appartements touristiques ou les logements pour “digital nomads” qui sont prêts à payer des fortunes.» Adoración, retraitée : «Après quarante ans dans le même immeuble, ils ne veulent plus renouveler mon contrat. Ça va être la rue. J