Décembre 2018, salle des congrès de Hambourg. Angela Merkel parle devant 1 001 délégués de son parti. Après dix-huit ans à la tête de la CDU, c’est son dernier discours en tant que présidente. Crépuscule d’une icône : ce discours est aussi celui d’une chancelière en partance. Le ton est pastoral, Merkel défend avec emphase son bilan et surtout, ses valeurs chrétiennes-démocrates. Dans la salle surchauffée, l’émotion est palpable. Alors que la chancelière scande «Nous, les chrétiens-démocrates, nous ne faisons aucune différence dans la dignité des hommes. Nous ne dressons pas les uns contre les autres», manière de distinguer la droite conservatrice qu’elle incarne des outrances xénophobes de l’AfD, une forêt de pancartes se dresse dans la salle. «Danke Chefin». «Merci cheffe», disent les écriteaux, et c’est les yeux troubles qu’Angela Merkel clôt ce discours historique, soutenue par une standing ovation de dix minutes.
«Chefin.» Les surnoms d’Angela Merkel en disent long. Sur elle, ses adversaires, sur le sexisme qu’elle a subi. Dans les années 90, à ses débuts, elle était Kohls Mädchen, la fillette de Kohl : sous tutelle, donc. Elle sut ensuite tuer le père pour prendre le contrôle de la CDU, en 2000. Dans les années 2010, elle se transforme en Mutti, figure maternelle et enveloppante. Habile renversement du stigmate : elle fait de ce terme, utilisé initialement par ses détracteurs pour la disqualifier, une signature, elle est «la