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La Cour suprême britannique décrète que la définition juridique d’une «femme» relève du sexe biologique

LGBT +dossier
La plus haute instance judiciaire d’Angleterre a tranché mercredi 16 avril : cette définition relève du sexe et non du genre, une décision clivante qui pourrait avoir des conséquences sur la situation des personnes transgenres dans le pays.
La Cour suprême britannique doit déterminer ce mercredi 16 avril ce qu'est une «femme» dans les termes de la loi. (Toby Melville/REUTERS)
publié le 16 avril 2025 à 8h50
(mis à jour le 16 avril 2025 à 14h43)

Le sujet est brûlant et divise depuis de longues années défenseurs des droits des personnes trans et militantes estimant que les droits des femmes sont menacés par certaines de leurs revendications. Ce mercredi 16 avril, la Cour suprême britannique a définitivement tranché sur ce qui définit une femme aux yeux de la loi, une décision hautement sensible qui pourrait avoir des conséquences immédiates sur les femmes transgenres au Royaume-Uni.

Les juges de cette cour, la plus haute juridiction du pays, ont donné raison à une association s’étant pourvue en justice il y a quelques années pour faire valoir que la définition d’une femme doit se baser sur le sexe biologique, et non le genre. Cette décision inquiète les associations LGBT+ qui alertent sur le fait que cette définition risque d’empêcher les femmes transgenres d’accéder à certains lieux, dont les centres d’hébergement pour femmes.

A ce titre, l’association LGBT+ Stonewall a fait part ce mercredi 16 avril de sa préoccupation après la décision de la Cour suprême. L’association britannique, l’une des plus importantes d’Europe en la matière, craint les «répercussions très larges» que pourrait avoir cet arrêt qu’elle juge «incroyablement inquiétant pour la communauté transgenre et tous ceux d’entre nous qui la soutiennent».

Des débats houleux

Au cœur du litige qui oppose depuis 2018 le gouvernement écossais, qui s’est fortement engagé en faveur des droits des personnes transgenres ces dernières années, et une association baptisée For Women Scotland : l’interprétation de la loi britannique sur l’Egalité (Equality Act) de 2010. Pour le gouvernement écossais, ce texte est clair. Si une femme transgenre a obtenu un certificat de reconnaissance de genre (GRC) à l’issue de sa transition, elle est considérée comme une femme, et a droit aux mêmes «protections que celles qui sont déclarées femmes à la naissance».

Au total, quelque 8 500 personnes ont obtenu un certificat GRC au Royaume-Uni depuis la création de ce dispositif en 2004, avait indiqué le gouvernement écossais en novembre. Mais de son côté, l’association For Women Scotland s’oppose à cette interprétation et veut que la définition soit basée sur le seul sexe biologique. Elle a notamment reçu le soutien de l’autrice de Harry Potter, J.K Rowling, qui vit en Ecosse et a multiplié les prises de position transphobes sur le sujet. C’est donc sans surprise que cette dernière a salué mercredi la décision de la Cour suprême, estimant qu’elle vient «protéger les droits des femmes et des filles à travers le Royaume-Uni».

Guerre culturelle

La décision de la Cour suprême pourrait trouver un écho jusqu’aux Etats-Unis. Depuis son retour à la Maison Blanche en janvier, Donald Trump cible les personnes transgenres en voulant notamment les expulser de l’armée ou restreindre les procédures de transition pour les moins de 19 ans. Le débat est très virulent au Royaume-Uni, où des militantes féministes comme J.K. Rowling disent être cibles de harcèlement sur les réseaux sociaux, tandis que les associations LGBT + s’inquiètent des menaces sur les droits des personnes transgenres.

Les conservateurs, qui ont perdu les législatives à l’été 2024, s’étaient engagés en cas de victoire à apporter des «clarifications» dans la loi pour que le mot «sexe» se limite au sexe biologique. Dans son recours, introduit devant la Cour suprême en novembre 2024, Women For Scotland défend également l’idée que le sexe d’une personne est un «critère biologique immuable». Après une première victoire devant la justice écossaise, l’association a été déboutée deux fois en 2023.

Un sujet épineux

«La décision du tribunal aura des conséquences sur les espaces non-mixtes tels que les toilettes et les hôpitaux», a souligné la directrice de l’association Trina Budge. Ruth Crawford, l’avocate du gouvernement écossais, s’est, elle, inquiétée du risque que les femmes transgenres en possession d’un GRC «restent des hommes aux yeux de la loi jusqu’à leur mort».

Ce sujet a toujours été particulièrement épineux en Écosse. En 2022, le gouvernement local avait fait voter une loi pour faciliter le changement de genre sans avis médical et ce dès l’âge de 16 ans. Ce texte avait été bloqué par le gouvernement conservateur à Londres. En janvier 2023, les autorités écossaises avaient aussi dû annoncer la suspension du transfert de tout détenu transgenre ayant des antécédents de violences envers les femmes vers une prison pour femmes, après deux cas qui avaient choqué l’opinion publique.

Mise à jour à 11h32 avec la décision de la Cour suprême britannique.

Mise à jour à 13h53 avec la réaction de l’association LGBT+ Stonewall.

Mise à jour à 14h44 avec la réaction de J.K. Rowling.