La Finlande se barricade un peu plus face à ce qu’elle décrit comme une «attaque hybride» de Moscou. Le dernier poste frontalier encore ouvert avec la Russie sera fermé dans la nuit de ce mercredi 29 novembre à jeudi 30 novembre, en réaction à l’arrivée inhabituelle ce mois-ci de centaines de réfugiés sans papiers. «Le phénomène observé ces dernières semaines à la frontière doit cesser», a justifié mardi 28 novembre le Premier ministre Petteri Orpo, notant que «la migration instrumentalisée en provenance de Russie s’est poursuivie».
Reportage
Depuis début août, près de 1 000 demandeurs d’asile en situation irrégulière, originaires de Somalie, d’Irak et du Yémen, se sont présentés à la frontière orientale, longue de 1 340 kilomètres, rapportent les autorités finlandaises. A la mi-novembre, Helsinki avait déjà fermé quatre de ses huit points de passage avec la Russie, avant de restreindre le passage à un unique poste frontalier, Raja-Jooseppi, le plus au nord du pays, en zone Arctique – ce qui n’avait eu pour effet que de déplacer la crise. «La Finlande est la cible d’une opération hybride russe, a souligné la ministre de l’Intérieur, Mari Rantanen. C’est une question de sécurité nationale.»
«Ne venez pas. La frontière est fermée»
Les demandeurs d’asile devront dorénavant demander une protection «aux points de passage frontaliers ouverts pour le trafic aérien et maritime», c’est-à-dire les ports et aéroports, selon un communiqué du gouvernement. Cet afflux de migrants «est une activité organisée, pas une véritable urgence, selon le chef d’Etat. La facilité avec laquelle les migrants ont atteint le passage frontalier éloigné de Raja-Jooseppi est la preuve de cela», a avancé Petteri Orpo. La ministre de l’Intérieur a, elle, souligné que les migrants avaient «la responsabilité de décider ou non de venir à la frontière. […] Notre message est clair. Ne venez pas. La frontière est fermée», a-t-elle asséné. Le poste-frontière de Raja-Jooseppi restera clos jusqu’au 13 décembre.
Dès la semaine dernière, le gouvernement finlandais – qui a vu débarquer en juin une nouvelle formation anti-immigration – avait envisagé de fermer sa frontière, mais la mesure avait alors été jugée disproportionnée par l’autorité chargée du contrôle de la légalité des mesures gouvernementales. La fermeture complète de la frontière peut s’opérer dans des circonstances exceptionnelles : celle-ci doit être proportionnée et les réfugiés doivent pouvoir déposer leur demande d’asile. Cette nouvelle fermeture est «nécessaire et proportionnée», a assuré le gouvernement dans son communiqué.
Un scénario analogue à celui observé en 2021 à la frontière polono-bélarusse
Interrogé sur la prise en charge de migrants qui seraient laissés dans le froid devant les postes-frontières fermés, le Premier ministre Petteri Orpo a répondu que «sans le changement de politique des autorités russes, ce phénomène n’existerait pas». «Nous avons confiance dans le jugement des gardes-frontières et leur capacité à répondre aux différentes situations», a-t-il ajouté. Les gardes-frontières ont souligné que la pression migratoire s’était exercée jusque-là aux postes-frontières, et non le long du reste de la ligne de démarcation, dans les zones inhabitées. Le chef d’Etat finlandais a dit souhaiter que la situation avec la Russie se normalise «le plus vite possible». «C’est dans l’intérêt de tous, dont la Russie», a-t-il précisé.
Réfugiés
Les relations entre les deux voisins se sont considérablement détériorées depuis février 2022 et l’offensive russe en Ukraine. Cette invasion a conduit la Finlande, inquiète pour sa propre sécurité, à commencer dès octobre de la même année la construction d’une vaste clôture sur 200 kilomètres, qui n’est achevée que sur trois kilomètres. Helsinki anticipait en cela également le recours possible de Moscou à la pression migratoire, dans un scénario analogue à celui observé en 2021 à la frontière entre la Pologne et le Bélarus. En avril dernier, la Finlande rejoignait aussi l’Otan, gage de protection supplémentaire, provoquant l’ire de Moscou, qui perçoit l’alliance politico-militaire comme une menace. Le Kremlin avait alors promis de prendre des «contre-mesures».