Eux sont restés. Par défi ou par inertie, par faiblesse parfois, par solidarité aussi. Les vieux Ukrainiens n’ont pas bougé. Dans leur grande majorité, ils ont choisi de ne pas fuir vers l’ouest, ou vers l’étranger. Leur génération a passé davantage de temps dans la république socialiste soviétique d’Ukraine que dans l’Ukraine indépendante. A l’époque de l’URSS, pour beaucoup, la distinction entre Russes et Ukrainiens importait peu. Impensable pour certains, redoutée par d’autre, l’invasion de leur pays par les troupes du Kremlin, le 24 février, est un déchirement personnel, social et, dans certains cas, familial.
Vira Shemet, 74 ans, est née en Russie. Ses parents se sont rencontrés sur le front pendant la «Grande Guerre patriotique». Elle a vécu toute sa vie à Kyiv, mais a de la famille à Rostov-sur-le-Don, la grande ville russe proche de la frontière sud-est. «On ne s’est pas appelés depuis le début de la guerre. Ils suivent tout ce que dit Poutine, on n’essaye même plus de les raisonner, s’agace-t-elle en servant un thé bouillant sur la petite table de sa cuisine. Ma colère s’est transformée en haine. Je déteste les Russes, je pense vraiment qu’ils sont pires que les fascistes.» Vira Shemet respire, boit une gorgée. Son parfum à la fleur picote le nez. «Le 24 février, l’une des premières bombes lâc