Sur la vidéo, un père dit sèchement à son fils : «Fais gaffe là-bas.» La mère pleure, la sœur fait un signe de croix sur la poitrine de son frère, devant le bureau de recrutement. Le chauffeur, plein de bonhomie, distribue aux nouvelles recrues de la vodka dans des petits gobelets en plastique, un dernier petit coup pour la route. C’est un impossible cauchemar. Et le même sentiment que le 24 février.
Bientôt, tous ces gars seront des cadavres. Bientôt, il n’en restera plus que des photos barrées d’un ruban noir. «Qu’avons-nous omis de faire ? Comment ai-je pu le laisser partir ? J’aurais dû le cacher, j’aurais dû casser la gueule du recruteur militaire. Nous aurions dû hurler à ce moment-là, maintenant c’est trop tard.»
Ceux qui reviendront seront des estropiés de l’âme et du corps.
Faire la guerre, c’est impossible. C’est un crime contre l’Ukraine, contre la Russie, contre l’humanité. Que faire ? Aller en prison pour évasion, fuir le pays par tous les moyens, n’importe quoi.
Je ne suis plus en Russie, je l’ai quittée au tout début de la guerre. Je ne suis pas en Russie et «c’est facile à dire». C’est putain de pas facile à dire. La seule chose qui me soulage, c’est que ce soit le début de la fin. Les premiers avis de décès provoqueront une tempête, dissipant le brouillard, le ma