Des funérailles en catimini. Les autorités russes menacent d’enterrer Alexeï Navalny sur le territoire de la colonie pénitentiaire où il est décédé, a assuré ce vendredi 23 février l’équipe de l’opposant. «Il y a une heure, un enquêteur a appelé la mère d’Alexeï et lui a posé un ultimatum. Soit elle accepte un enterrement secret dans les trois heures, sans adieu public, soit Alexeï sera enterré dans la colonie» pénitentiaire où il était détenu, a informé la porte-parole du défunt, Kira Iarmich, sur X (ex-Twitter). Cette annonce survient au lendemain d’une vidéo d’1′35 diffusée par Lioudmila Navalnaïa, la mère d’Alexeï Navalny, sur la chaîne YouTube de son fils. Elle y annonce avoir enfin pu voir sa dépouille, après presque une semaine d’attente. Lioudmila Navalnaïa raconte avoir été menée à la morgue de la ville de Salekhard, dans le district autonome Iamalo-Nenet, au-delà du cercle polaire et non loin de la colonie pénitentiaire où il a trouvé la mort. C’est là qu’elle a pu voir le corps de son fils.
«Je sors à l’instant du Comité d’enquête de Salekhard. J’y ai passé presque 24 heures seule avec les enquêteurs, ils n’ont laissé entrer mon avocat que cet après-midi», commence-t-elle. Vêtue de noir, assise à une table, elle regarde droit dans la caméra. «La nuit dernière, ils m’ont emmenée discrètement à la morgue où ils m’ont montré le corps d’Alexeï», poursuit-elle. Selon elle, les employés du comité d’enquête lui ont notamment dit qu’ils «connaissent les causes de la mort» d’Alexeï Navalny et qu’ils ont «tous les documents légaux et médicaux prêts». «Je les ai vus et j’ai signé le certificat de décès», ajoute-t-elle. Selon l’équipe de l’opposant, la cause du décès est inscrite comme étant «naturelle».
Mais le personnel de la morgue a refusé de lui remettre la dépouille de son enfant. «Selon la loi, ils auraient dû me remettre immédiatement le corps d’Alexeï, mais ils ne l’ont toujours pas fait», dénonce Lioudmila Navalnaïa. Plus tard dans la journée, John Kirby, porte-parole de la Maison Blanche, a incité les autorités russes à «lui rendre son fils». Il a estimé que la mère «doit pouvoir récupérer le corps de son fils et lui rendre l’hommage qui convient».
La mère d’Alexeï Navalny dénonce le «chantage» auquel ses interlocuteurs l’ont soumise. «Ils posent les conditions d’où, quand et comment Alexeï devrait être enterré, dit-elle. C’est illégal.» «En ma présence, ils ont reçu des ordres soit du Kremlin, soit du comité d’enquête, ils veulent que ce soit fait secrètement, sans cérémonie d’adieu. Ils veulent m’emmener aux confins d’un cimetière, près d’une tombe fraîche, et me dire + ci-gît ton fils +. Je ne suis pas d’accord avec cela.»
Au lieu de cette inhumation «secrète», Lioudmila Navalnaïa affirme vouloir des funérailles en bonne et due forme. «Je veux que vous, pour qui Alexeï était un être cher, pour qui sa mort est une tragédie personnelle, ayez l’opportunité de lui dire adieu.» Et la mère endeuillée enfonce le clou : «J’enregistre cette vidéo car ils ont commencé à me menacer. En me regardant dans les yeux, ils me disent que si je n’accepte pas des obsèques secrètes, ils feront quelque chose au corps de mon fils.»
Elle va jusqu’à nommer «l’enquêteur Varapayev» qui, avec un cynisme absolu, lui «a dit clairement : “Le temps ne joue pas en votre faveur, les corps se décomposent…”».
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La mère du principal opposant à Vladimir Poutine, jusqu’à sa mort vendredi, après trois ans de détention – sur une condamnation à 19 ans de prison – dans des conditions terribles, conclut ce message déchirant par ces mots : «Je ne souhaite pas de conditions spéciales, je veux juste que les choses soient faites en accord avec la loi. Je demande que le corps de mon fils me soit rendu immédiatement.»
Lioudmila Navalnaïa était arrivée samedi aux alentours de la colonie pénitentiaire où est mort son fils et cherchait depuis à avoir accès à son corps. Les enquêteurs affirmaient que des «expertises» étaient nécessaires pour justifier leur refus de même lui dire où se trouvait la dépouille de son fils. Elle avait fini par enregistrer une vidéo devant les murs grillagés de la colonie pénitentiaire et s’était adressée directement au président Vladimir Poutine pour obtenir gain de cause.
L’équipe de Navalny, et sa veuve Ioulia Navalnaïa, accusent le président russe d’avoir fait tuer Alexeï Navalny et de chercher à dissimuler les traces de l’assassinat.
Le président Joe Biden a rencontré de son côté jeudi en privé en Californie la veuve et la fille du chef de l’opposition au Kremlin. Biden a exprimé à Yulia et Dasha Navalnaïa à San Francisco «ses sincères condoléances pour leur terrible perte», indique par ailleurs un communiqué de la Maison Blanche, ajoutant que Biden a réaffirmé l’annonce vendredi de nouvelles sanctions contre la Russie.
Mis à jour : le 23 février à 17h25 avec le nouvel ultimatum dénoncé par les proches de Navalny.