Un dernier rayon de soleil capturé à travers les feuilles d’une fougère. Une lumière chaude qui filtre de la cime des pins corses et éclaire leurs troncs rosés, dans une forêt du Norfolk. Un effet de grain sur les images. Et cette femme, grande et mince, qui se promène dans un champ doré, caressant distraitement les herbes hautes. Le clip, mi-promotion pour l’office de tourisme de la région, mi-pub pour une crème hydratante, pourrait être signé Terrence Malik. Il s’agit de la dernière production de Will Warr, un réalisateur qui a également prêté son objectif à McDonald’s et Tesco, et polit cette fois l’image de la princesse de Galles.
Des rumeurs les plus folles à l’annonce du cancer
En début d’année, la famille royale faisait un pas de travers dans sa communication habituellement très léchée. Soudainement en retrait de la vie publique à la suite d’une opération, Catherine Middleton devient l’objet des rumeurs les plus folles – elle serait défigurée, trompée, enceinte, ou… morte ? Le silence, les visages fermés et les photos retouchées ne font qu’attiser la méfiance et les spéculations, jusqu’à ce qu’elle finisse par annoncer, face caméra, qu’elle est atteinte d’un cancer.
La princesse a attendu la rentrée pour annoncer la fin de sa chimiothérapie, et reprendre par la même occasion le contrôle de sa communication. Ce n’est ni un communiqué de presse aride, ni une de ces interviews austères tournées dans les bureaux lourdement décorés d’un de leurs palais. Cette fois, les Britanniques – mieux, les correspondants royaux – ont quelque chose à se mettre sous la dent : une vidéo de trois minutes qui accumule les messages peu subtils.
A message from Catherine, The Princess of Wales
— The Prince and Princess of Wales (@KensingtonRoyal) September 9, 2024
As the summer comes to an end, I cannot tell you what a relief it is to have finally completed my chemotherapy treatment.
The last nine months have been incredibly tough for us as a family. Life as you know it can change in an… pic.twitter.com/9S1W8sDHUL
On y voit une princesse de Galles au volant (elle reprend le contrôle de sa vie), jouer aux cartes avec ses enfants (l’importance de la famille), enlacer son mari (l’amour transcende les difficultés), ou marcher dans la forêt (le pouvoir régénérant de la nature). En voix off, Catherine Middleton elle-même assure que «de l’obscurité peut naître la lumière», tandis qu’à l’écran, un papillon s’envole de sa main.
Codes des réseaux sociaux
Le pari est réussi. Sky News y voit un moment «candide et intime» dans son «sanctuaire». La BBC analyse «une approche radicalement différente», sur un ton «presque mélancolique», quand le Telegraph y voit des accents de Chambre avec vue (James Ivory, 1986). L’honnêteté est célébrée, et soulignée à gros traits : les scènes sépia sont entrecoupées d’images plus spontanées, un aperçu des coulisses qui veut renforcer la normalité de la famille la moins normale du Royaume-Uni, et faire oublier que les dernières photos publiées étaient retouchées.
Est-ce la fin de la philosophie de feu Elizabeth II, never explain, never complain (ne jamais se justifier, ne jamais se plaindre) ? Rien n’est moins sûr. En se racontant à la première personne, la famille royale continue de s’inscrire dans les codes changeants des réseaux sociaux, mais ne répond, au fond, à aucune question.