Dans l’histoire de Frankenstein, on oublie souvent que Frankenstein désigne le savant, inventeur imprudent du monstre, et non la créature elle-même, dénuée de nom dans le roman original de Mary Shelley. Dans la Russie contemporaine en guerre, c’est Vladimir Poutine qui est Victor Frankenstein. Mais sa créature a bien un nom : Evgueni Prigojine, le patron du groupe paramilitaire Wagner qui vient d’échapper à son créateur, en s’emparant du quartier général des opérations militaires menées en Ukraine, à Rostov-sur-le-Don, puis en lançant ses troupes en direction de Moscou.
Le brutal chef de guerre, connu pour ses vidéos provocatrices tournées sur le champ de bataille, n’avait cessé, ces derniers mois, de repousser les limites de «l’acceptable» dans la Russie poutinienne, à la stupéfaction des observateurs. Sa dénonciation du manque de soutien de l’armée aux unités de Wagner engagées en première ligne, sa critique frontale de la stratégie militaire russe en Ukraine, du haut-commandement, puis du ministre de la Défense en personne, Sergueï Choïgou, n’avaient jusque-là jamais été sanction