Cinq mois après l’annulation choc du premier tour de la présidentielle, la Roumanie était de retour aux urnes ce dimanche 4 mai dans une ambiance tendue, avec à la clé une possible nouvelle victoire de l’extrême droite. A la fermeture des bureaux de vote, à 21 heures (20 heures en France), les premiers sondages sortie des urnes donnaient bien le candidat d’extrême droite, George Simion, largement en tête du scrutin, avec un score estimé à entre 30 et 33% des voix. Selon des résultats quasi finaux publiés plus tard dimanche, il a recueilli 40,5% des suffrages. Il affrontera au second tour prévu le 18 mai le maire centriste de Bucarest Nicusor Dan (20,9%), 55 ans, qui a dépassé de peu le candidat unique des partis au pouvoir, Crin Antonescu (20,3%), 65 ans.
Il lui reste à transformer l’essai lors du second tour le 18 mai, une tâche compliquée car il dispose sur le papier de moins de réserves de voix que son rival, commente pour l’AFP le professeur de sciences politiques Sergiu Miscoiu, prédisant une course serrée. Mais d’autres experts pointent les fractures du pôle pro-européen après une campagne marquée par de virulentes accusations et des coups bas.
Rhétorique souverainiste
Les bureaux de vote avaient ouvert à 7 heures (6 heures en France). Réseaux sociaux omniprésents, colère et désillusion d’une partie de la population, nombreux indécis : les ingrédients étaient les mêmes pour ce scrutin que pour celui du 24 novembre, quand le candidat critique de l’Union européenne et de l’Otan, Calin Georgescu, avait surgi en tête à la surprise générale, plongeant le pays d’Europe orientale dans la tourmente politique.
Exclu de l’élection par la Cour constitutionnelle après une campagne massive sur TikTok entachée de suspicions d’ingérence russe, il a brandi pendant la campagne électorale «le pouvoir du vote qui terrifie le système». «Il est temps de récupérer notre pays», a-t-il lancé ce dimanche après avoir glissé son bulletin dans l’urne à Mogosoaia, près de Bucarest, aux côtés de celui qui l’a remplacé, George Simion.
Reportage
Onze candidats au total briguaient un poste essentiellement protocolaire mais influent en politique étrangère, dans ce pays membre de l’UE de 19 millions d’habitants, devenu un pilier essentiel de l’Otan depuis l’invasion russe de l’Ukraine voisine.
Crédité de quelque 30 % des suffrages selon des sondages à manier avec précaution, George Simion mise à 38 ans sur sa jeunesse, sa rhétorique souverainiste et sa maîtrise de la plateforme TikTok pour espérer venger son désormais allié Georgescu. Si le chef du parti nationaliste AUR nie toute inclination pour la Russie, il partage la même aversion pour «les bureaucrates bruxellois», les accusant sans preuves de s’être immiscés dans le processus électoral.
Sur les marchés ou à l’étranger pour convaincre l’importante diaspora, ce fan de Donald Trump se rêve en «président Maga» (Make America Great Again), slogan parfois affiché sur ses casquettes. «Nous sommes ici avec une seule mission : rétablir la démocratie […] et rendre justice à la Roumanie», a-t-il déclaré dimanche.
Un scrutin sous surveillance
Face à George Simion, trois prétendants pouvaient accéder au second tour prévu le 18 mai. Le candidat de la coalition pro-européenne au pouvoir, Crin Antonescu, offre la «stabilité». Le maire de Bucarest, Nicusor Dan, promet de lutter contre la «corruption», se voulant le porte-voix des «Roumains silencieux et honnêtes». Plus loin derrière, l’ancien Premier ministre social-démocrate Victor Ponta mise sur un discours aux accents trumpistes.
Après l’annulation, décision rarissime au sein de l’UE, le scrutin est sous haute surveillance. Des milliers de personnes ont manifesté ces derniers mois pour dénoncer «un coup d’Etat». Les Etats-Unis sont également intervenus, le vice-président J. D. Vance appelant à écouter la voix d’un peuple qu’on a fait taire «sur la base des faibles soupçons d’une agence de renseignement».
Reportage
Les autorités, qui ont renforcé les mesures de prévention et la collaboration avec le réseau TikTok, assurent avoir «tiré les leçons» du fiasco. Alors que l’extrême droite évoque «de multiples signes de fraude», le gouvernement a pointé diverses campagnes de désinformation, y voyant de «nouvelles tentatives de manipulation et d’ingérence menée par des acteurs étatiques».
Mise à jour le lundi 5 mai, à 7 h 05, avec résultats quasi finaux