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La Russie a mis en place des «centres de filtration» pour trier les Ukrainiens

Guerre entre l'Ukraine et la Russiedossier
Dans un rapport, l’OSCE pointe un phénomène «alarmant»: la présence de lieux destinés à identifier, détenir ou tuer les personnes jugées dangereuses par Moscou.
DONETSK REGION, UKRAINE - MARCH 23, 2022: Servicemen of the DPR People's Militia check a vehicle at a checkpoint at an entrance to the village of Kremenivka. The Russian Armed Forces conduct a special military operation in Ukraine. Mikhail Tereshchenko/TASS/Sipa USA/38332832/MB/2203232004 (Mikhail Tereshchenko/TASS/Sipa)
publié le 15 juillet 2022 à 19h11

Trier les «bons» des «mauvais» Ukrainiens : voilà le «nouveau phénomène alarmant», que décrit l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OCSE) dans son dernier rapport, publié jeudi. Les «bons» sont emmenés – avec ou sans leur accord – dans des «points d’accommodation temporaire», disposés partout en Russie, où ils peuvent travailler et demander l’asile.

Quant aux «mauvais», il s’agit de ceux qui se sont battus pour l’Ukraine, qui ont des connexions avec le bataillon Azov ou qui sont liés étroitement au gouvernement ukrainien. «Ils sont séparés des autres et disparaissent souvent», précise le rapport. Parfois, ils sont transférés dans les territoires séparatistes de Donetsk et Louhansk. Là-bas, «ils sont détenus ou tués». En mai, le représentant de l’Ukraine pour les droits humains dénonçait la détention d’au moins 3 000 civils de Marioupol dans une prison à Olenivka, dans l’oblast de Donetsk.

Dans d’autres cas, ils sont transportés par-delà les frontières, direction la Russie, dans des camps de tentes, dans l’oblast de Kursk, à plus de 300 kilomètres de Kyiv : «Les interviewés partageaient des histoires similaires de violence et d’humiliation, relatant le centre de détention comme un enfer sur Terre. Ils ont dit avoir été battus avec des gants de boxe ou des pistolets à impulsion électrique. Après avoir été retenus à l’extérieur, certains ont développé des engelures aux pieds. Et pour certains, ils ont dû procéder à des amputations», détaille le rapport.

Des «centres de filtration» sur les routes

Pour trier les personnes, la Russie a mis en place des «centres de filtration», sur les routes d’évacuation des villes assiégées, notamment dans les territoires séparatistes pro russes de Louhansk, de Donetsk et en Crimée. L’un d’eux a même acquis une certaine notoriété, après le siège de Marioupol. En mai 2022 et d’après les forces de la république autoproclamée de Donetsk, plus de 33 000 personnes étaient passées par ce centre baptisé Bezimienne (qui signifie littéralement «sans nom»).

Les Ukrainiens y restent «au moins trente jours», d’après le rapport. Un gros mois au cours desquels les militaires collectent leurs données personnelles et leurs empreintes digitales, puis copient leurs papiers d’identité. Certains «subissent de violents interrogatoires et des fouilles au corps humiliantes».

D’après Yevhenii Tsymbaliuk, ambassadeur et représentant de l’Ukraine à l’OSCE, il y aurait vingt camps de filtration. Les sources russes interrogées par l’organisme européen affirment, de leur côté, que ces mesures empêchent «les nationalistes ukrainiens d’infiltrer la Russie déguisés comme des réfugiés pour éviter des condamnations».

Les auteurs du rapport expliquent avoir la confirmation de ces déportations, mais déplorent l’imprécision des chiffres. De son côté, la Commission ukrainienne pour les droits humains, un organe national, avançait à la mi-mai que la Russie avait déplacé plus de 1,2 million d’Ukrainiens contre leur volonté, parmi lesquels 210 000 enfants.