Pour le président Vladimir Poutine, c’est une «provocation à grande échelle». L’armée russe rapporte ce mercredi 7 août que des combats qui «se poursuivent» dans la région de Koursk, frontalière de l’Ukraine, théâtre depuis la veille d’une incursion de troupes ukrainiennes et visée par des frappes qui ont fait au moins cinq morts civils. Selon Moscou, les forces ukrainiennes auraient pénétré mardi dans cette région russe avec près d’un millier de soldats, une dizaine de chars et une vingtaine de blindés. Kyiv a de son côté gardé en grande partie le silence sur cette opération.
Interview exclusive
Vladimir Poutine accuse les forces ukrainiennes de «tirer de manière aveugle avec différents types d’armes, y compris des roquettes, sur des bâtiments civils, des habitations et des ambulances». Le chef d’état-major de l’armée russe Valéri Guérassimov a, quant à lui, assuré au président russe que «l’avancée de l’ennemi en profondeur dans le territoire a(vait) été stoppée par des frappes de l’aviation et de l’artillerie», selon une séquence retransmise à la télévision. Des combats auraient toujours lieu «dans les zones immédiatement adjacentes à la frontière», selon lui. «L’opération s’achèvera par la défaite de l’ennemi», a-t-il clamé.
Le ministère russe de la Défense a assuré que «l’opération de destruction des formations de l’armée ukrainienne se poursuit», plus de 24 heures après le début de cette incursion. Selon lui, les affrontements auraient continué «au cours de la nuit» dans les zones «immédiatement adjacentes à la frontière». Le ministère a assuré sur Telegram que les soldats russes auraient «empêché l’ennemi d’avancer en profondeur sur le territoire russe», semblant ainsi reconnaître que les soldats ukrainiens auraient conquis du terrain à l’occasion de leur incursion. Selon la chaîne Telegram Rybar, suivie par plus d’un million de personnes et proche de l’armée russe, les troupes ukrainiennes se seraient emparées de trois villages dans la région de Koursk.
Mercredi soir, l’état d’urgence a été instauré dans la région russe de Koursk, a annoncé le gouverneur par intérim de ce territoire frontalier de l’Ukraine. «La situation opérationnelle reste difficile dans les zones frontalières. Pour éliminer les conséquences de l’entrée de forces ennemies, j’ai décidé d’instaurer l’état d’urgence», a écrit sur Telegram Alexeï Smirnov.
Appel aux dons du sang
Une source au sein des services de sécurités ukrainiens (SBU) a de son côté revendiqué auprès de l’AFP la destruction en vol par un drone de petit gabarit d’un hélicoptère russe Mi-28, ce qui serait une «première dans l’histoire de la guerre».
Plusieurs milliers de personnes ont évacué la zone en raison des combats et des bombardements, qui ont fait au moins cinq morts et 28 blessés chez les civils, ont dit les autorités locales, précisant que tous les événements publics étaient annulés. D’après le ministère russe de la Santé, 13 personnes dont trois enfants auraient été hospitalisées dans la région à la suite des bombardements ukrainiens. Dans ce contexte, le gouverneur par intérim Alexeï Smirnov a appelé la population à donner son sang pour alimenter les stocks des établissements médicaux.
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Les autorités ukrainiennes observent de leur côté depuis mardi un silence quasi-total sur la situation dans la région de Koursk. Plusieurs hauts responsables ukrainiens interrogés par l’AFP se sont refusés à tout commentaire. Un expert militaire ukrainien, Serguiï Zgourets, a estimé que l’armée ukrainienne semblait ainsi chercher à détourner les forces russes d’autres secteurs du front, où elles poussent depuis plusieurs mois. «Je pense que l’un des objectifs (de Kyiv) est de retirer les réserves (russes), de simplifier les actions de nos militaires dans le secteur de Kharkiv (nord-est) et peut-être dans d’autres régions», a-t-il déclaré à l’AFP.
La géographie de cette zone en Russie permet de «mener de façon efficace ce type d’actions dissuasives contre l’ennemi avec un dispositif réduit et c’est ce que fait probablement l’armée ukrainienne», a ajouté Serguiï Zgourets.
Attaques de drones
Des attaques de drones ukrainiens ont également visé mercredi des immeubles d’habitation dans deux autres régions russes frontalières de l’Ukraine, celles de Voronej et de Belgorod, ont fait savoir leurs autorités respectives. «Deux drones ont attaqué un immeuble» à Chebekino, dans la région de Belgorod, brisant les fenêtres d’un appartement et provoquant un incendie dans un autre, a écrit sur Telegram le gouverneur Viatcheslav Gladkov, selon qui «personne n’a été blessé».
A Voronej, le chef-lieu de la région du même nom, les débris de deux drones abattus par la défense antiaérienne ont endommagé la façade d’un immeuble et brisé les fenêtres de plusieurs appartements dans un autre, a expliqué son gouverneur Alexandre Goussev. Plusieurs incursions en Russie de combattants en provenance d’Ukraine ont eu lieu depuis le début du conflit en février 2022.
L’armée russe a à chaque fois affirmé les avoir repoussées mais certaines d’entre elles l’ont conduite à recourir à l’artillerie et à l’aviation, comme cela est le cas pour celle de mardi. Cette opération a lieu à un moment où les soldats russes gagnent progressivement du terrain dans l’est de l’Ukraine depuis des mois, face à une armée ukrainienne en manque de nouvelles recrues et de munitions. Les troupes russes ont également lancé en mai une offensive terrestre dans la région frontalière de Kharkiv, s’emparant de plusieurs localités avant d’être stoppées par les forces ukrainiennes.
Mise à jour : à 17 heures avec les déclarations d chef d’état-major de l’armée russe à Vladimir Poutine ; à 20 heures : avec l’instauration de l’état d’urgence dans la région russe de Koursk.