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Libération
Fuite de données

L’adresse secrète du Premier ministre suédois révélée par ses gardes du corps via l’appli sportive Strava

Le quotidien suédois «Dagens Nyheter» révèle ce mercredi 8 juillet des failles de sécurité au sein du gouvernement. En cause, les mauvaises pratiques numériques des agents de sécurité.
Des adresses privées du Premier ministre suédois, Ulf Kristersson, ont été révélées par les itinéraires Strava de ses gardes du corps. (Matthias Schrader/AP)
publié le 9 juillet 2025 à 14h51

Ce n’est pas la première fois que des données, supposées privées et pourtant diffusées sur le Web, corrompent la sécurité de dirigeants politiques. Après Emmanuel Macron, Vladimir Poutine et Joe Biden, c’est au tour d’Ulf Kristersson, le Premier ministre suédois, d’être exposé. Dans une enquête publiée le mardi 8 juillet, le journal Dagens Nyheter révèle que, depuis plusieurs années, sept gardes du corps de personnalités politiques suédoises, dont le chef du gouvernement, ont publiquement partagé leurs itinéraires de course à pied et à vélo dans les détails sur l’application Strava.

Les membres de la sécurité d’Ulf Kristersson ont révélé par inadvertance ses déplacements. Au total, le quotidien suédois recense plus de 1 400 activités au cours de 2024, dans divers lieux. Cela va de la frontière entre l’Ukraine et la Pologne au front de mer de Tel-Aviv, en passant par des pistes de ski dans les Alpes et des bases militaires au Mali. Ils ont même partagé des informations directement liées au Premier ministre, y compris l’adresse de son domicile privé, censé être gardé secret, et ce, à au moins 35 reprises. Les tracés de leurs courses auraient également révélé les propres parcours sportifs d’Ulf Kristersson, ainsi que les lieux où il a voyagé avec sa famille.

Enjeux importants de sécurité

En juin 2024, Ulf Kristersson s’est rendu à Bodø, en Norvège, pour une réunion avec le Premier ministre norvégien et le président finlandais. L’un de ses gardes du corps aurait publié sur Strava le parcours d’une course effectuée par les trois dirigeants, quelques mois avant qu’une photo officielle n’officialise la sortie diplomatico-sportive.

Les informations sensibles diffusées par ces gardes du corps ne concernaient pas qu’Ulf Kristersson. D’autres membres importants de la société suédoise, notamment la famille royale, l’ancienne Première ministre social-démocrate Magdalena Andersson et le leader du parti d’extrême droite Démocrates de Suède, Jimmie Akesson, ont, eux aussi, été touchés par ce problème de sécurité.

Les révélations de Dagens Nyheter viennent allonger la liste des scandales de sécurité auxquels le gouvernement de Kristersson est confronté. En mai, le conseiller à la Sécurité nationale, Tobias Thyberg, a ainsi démissionné douze heures après avoir été nommé à ce poste. En cause, des photos intimes envoyées à son insu à des rédactions suédoises et à la chancellerie du gouvernement, seulement trente-trois minutes après sa promotion. Une série de scandales en a découlé, entre soupçon d’espionnage et mort d’un diplomate.

Révélations prises «très au sérieux»

La semaine dernière, le magazine suédois Expo a également publié une enquête révélant qu’un proche d’un ministre avait été actif dans des cercles néonazis et avait prôné la violence, sans que la Säpo, les services de sécurité suédois, n’ait estimé le risque sécuritaire que cela pouvait représenter. Une révélation qui elle-même intervient un mois seulement avant le procès de Henrik Landerholm, un homme politique suédois accusé d’avoir diffusé des documents qui n’étaient pas destinés au public alors qu’il était conseiller à la sécurité nationale.

Concernant les révélations visant les gardes du corps d’officiels, la Säpo a affirmé les avoir prises «très au sérieux». Une porte-parole des services de sécurité a déclaré qu’une enquête était ouverte pour évaluer «leur impact potentiel». Le bureau du Premier ministre et le bureau du gouvernement ont, eux, refusé de commenter pour l’heure.

Les problèmes de sécurité liés à l’application Strava deviennent légion. En 2017 déjà, avec sa «Global Heatmap», qui cartographie les trajets empruntés par ses utilisateurs, elle est accusée d’avoir révélé l’emplacement de bases militaires et d’avant-postes d’espionnage du monde entier. Et en octobre 2024, le Monde, dans sa série d’enquêtes «StravaLeaks», attestait déjà de la mise en danger de chefs d’Etat par des gardes du corps qui ont téléchargé l’appli.