Le scénario d’une marée noire en mer Baltique donne des sueurs froides aux pays côtiers. L’Allemagne mène depuis le vendredi 11 janvier, dans la soirée, une importante opération de secours pour stabiliser un pétrolier «en détresse», qu’elle accuse de faire partie de la «flotte fantôme russe» armée par Moscou pour exporter son pétrole malgré les sanctions. Le tanker Eventin, qui mesure 274 m de long et bat pavillon panaméen, est en difficulté après une coupure de courant survenue dans la nuit de jeudi à vendredi. Il a dérivé pendant un temps «à faible vitesse, incapable de manœuvrer, dans les eaux côtières de la mer Baltique, au nord de Rügen», dans l’est du littoral allemand, a précisé le centre de commandement allemand pour les urgences maritimes.

Depuis 23 h 10, vendredi, le pétrolier «est maintenu en position» par trois remorqueurs allemands qui ont tous réussi à établir une liaison avec lui. Pour aider à cette manœuvre délicate, un hélicoptère de la police allemande a déposé par hélitreuillage quatre experts qui ont aussi apporté aux 24 membres d’équipage des radios et des lampes de poche «car le navire reste sans électricité».

Les remorqueurs maintiennent l’Eventin «dans sa position actuelle» à environ 14 km au nord de Rügen alors que «le temps sur place se détériore» avec «des vents de 5 à 6» sur l’échelle de Beaufort et des vagues d’«environ 2,5 m de haut». Un avion de la marine allemande n’a cependant détecté «aucune fuite de pétrole» en effectuant plusieurs passages au-dessus du navire.

Dans un communiqué, la ministre des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, a accusé la Russie de «mettre en danger» la sécurité européenne. «En utilisant de manière infâme une flotte de pétroliers rouillés, Poutine non seulement contourne les sanctions, mais s’accommode aussi du fait que le tourisme sur la mer Baltique soit mis à l’arrêt» en cas de catastrophe écologique, a-t-elle déploré. Depuis le début de l’invasion russe de l’Ukraine, le nombre de navires pétroliers à la propriété opaque ou dépourvus d’assurance appropriée a grimpé, permettant à la Russie de constituer une flotte clandestine pour exporter son pétrole malgré les sanctions.

Les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont annoncé vendredi de nouvelles sanctions contre le secteur énergétique russe, qui visent notamment près de 200 pétroliers et méthaniers opérant depuis la Russie et présentés comme faisant partie de cette flotte fantôme. L’UE a, elle, déjà sanctionné près de 80 navires. Selon Greenpeace, l’Eventin, qui se dirigeait vers l’Egypte, avait déjà été repéré pour des convois de pétrole «particulièrement dangereux» et ses «défauts techniques». Il figure dans sa liste des 192 «pétroliers les plus dangereux».

Un second tanker soupçonné d’appartenir à la flotte fantôme russe en mer Baltique, le Jazz, semblait également à la dérive samedi matin entre les côtes allemandes et danoises. Or le bateau, en provenance de Russie, avait déjà connu une sérieuse avarie il y a moins de deux semaines au large de la Finlande. Il est actuellement suivi de près par un remorqueur. «Il pourrait s’agir d’une coïncidence, bien sûr, relève l’analyste militaire Andy Scollick sur le réseau social Bluesky. Mais la perte de propulsion de deux pétroliers de la flotte fantôme russe dans la même région, au même moment, menaçant de provoquer une catastrophe écologique, dans les vingt-quatre heures suivant l’annonce par les Etats-Unis de sanctions à l’encontre de la flotte pétrolière fantôme russe et de ses négociants, ressemble à attaque hybride.»