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Libération
Rapprochement

L’Arménie dans l’UE ? Le parlement national vote pour lancer la candidature, un nouveau pas loin de Moscou

Depuis plus d’un an cette ex-république soviétique tente de se rapprocher de l’Occident. Moscou menace d’une hausse des prix du gaz et d’une expulsion des travailleurs arméniens sur son sol.
Vue du mont Ararat et d'Erevan en Arménie en 2023. (Luca Abbate/ABACA)
publié le 26 mars 2025 à 13h21

Petit pas vers l’Europe, camouflet pour Moscou. Le Parlement arménien s’est prononcé ce mercredi 26 mars en faveur de la candidature de ce pays du Caucase pour intégrer l’Union européenne. Cet ancien allié de la Russie cherche à se rapprocher de l’Occident même si le chemin vers l’adhésion s’annonce encore long. Adopté avec 64 voix pour, celles des députés du parti au pouvoir, et 7 contre, le texte, soumis aux élus en janvier et adopté en première lecture en février, appelle le gouvernement arménien à lancer le processus d’adhésion à l’UE.

L’année dernière, une initiative civique, soutenue par des partis et organisations pro-européennes, avait lancé une pétition demandant le début d’un processus d’adhésion, qui avait recueilli environ 60 000 signatures dans ce pays de 2,7 millions d’habitants. Depuis près d’un an et demi, cette ex-république soviétique multiplie les gestes de défiance à l’égard de la Russie, alliée historique qui lui a longtemps vendu des armes et dispose toujours d’une base militaire sur le territoire arménien.

En janvier, le Premier ministre arménien Nikol Pachinian avait soutenu le projet d’adhésion à l’UE mais déclaré que l’adoption du texte par le Parlement ne serait pas l’étape finale. L’adhésion «ne peut se faire par une loi ou une décision du gouvernement, la décision sur ce sujet doit passer par un référendum», avait-il souligné. Et jusqu’à présent, aucun Etat membre n’a publiquement soutenu une potentielle arrivée de l’Arménie dans l’UE. Mais la commissaire européenne à l’élargissement, Marta Kos, avait assuré en janvier que Bruxelles «accepterait la demande d’adhésion si elle est faite». Le soutien de l’UE en faveur de l’adhésion du pays ne date pas d’hier puisque qu’en 2009, l’union avait déjà lancé un Partenariat oriental avec plusieurs pays – dont l’Arménie et l’Ukraine – proposant des relations économiques et politiques plus étroites en échange de réformes.

La Russie, de son côté, a prévenu qu’emprunter le chemin du bloc européen pourrait coûter cher à l’Arménie. Le secrétaire du conseil de sécurité russe, Sergueï Choïgou, a dit la semaine dernière qu’Erevan pourrait perdre le bénéfice des accords de libre-échange avec Moscou et faire face à une hausse des prix du gaz naturel russe, tandis que la capitale russe pourrait expulser un grand nombre de travailleurs arméniens sur son sol.

L’Arménie reproche à Moscou son manque de soutien face à l’Azerbaïdjan, qui a entièrement reconquis par la force, à l’automne 2023, la région azerbaïdjanaise à majorité arménienne du Karabakh, contrôlée pendant trois décennies par des séparatistes. Des soldats de maintien de la paix russes déployés dans le Karabakh n’étaient pas intervenus lors de cette offensive azerbaïdjanaise pour faire respecter un cessez-le-feu conclu fin 2020 entre Bakou et Erevan après une guerre de six semaines. La reprise de tout le Karabakh par l’Azerbaïdjan a donc contraint plus de 100 000 Arméniens à fuir ce territoire, par crainte d’exactions.

CPI et alliance militaire

Fin janvier 2024, l’Arménie a officiellement adhéré à la Cour pénale internationale (CPI), malgré les avertissements de Moscou, et elle est désormais tenue d’arrêter Vladimir Poutine s’il met le pied en territoire arménien, en vertu d’un mandat d’arrêt de la CPI délivré à l’encontre du président russe en mars 2023. En février 2024, Erevan a gelé «en pratique» sa participation à l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), une alliance militaire pilotée par Moscou. En juillet de la même année, l’Arménie avait ensuite accueilli des exercices militaires conjoints avec les Etats-Unis. Et en mars, l’Arménie et l’Azerbaïdjan ont annoncé s’être entendus sur un «accord de paix» pour régler leurs décennies de conflit.

L’Arménie est bien seule dans son europhilie au Caucase. Parallèlement, le gouvernement de la Géorgie, s’est engagé, selon ses détracteurs dans une dérive autoritaire et un rapprochement avec la Russie. En novembre 2024, il a suspendu tout processus d’adhésion à l’UE, en dépit de grandes manifestations d’opposition. Troisième république du Caucase issue de l’URSS, l’Azerbaïdjan est pour sa part un proche allié de la Turquie et adversaire historique d’Erevan.