Un «acquittement pour le cardinal», un «show médiatique», un «système qui n’est pas remis en cause». Les victimes d’abus sexuels de l’Eglise catholique allemande n’ont pas du tout apprécié la manière dont l’archevêque de Cologne, Rainer Maria Woelki, a été dédouané par ses avocats, choisis par ses soins pour faire la lumière sur les abus sexuels dans son diocèse.
«On ne peut pas faire la vérité sur la base de quelques documents remis par des gens qu’on soupçonne de vouloir cacher la vérité», dénonce Matthias Katsch, porte-parole de l’une des principales organisations de victime en Allemagne (Eckiger Tisch), et lui-même abusé sexuellement dans un collège jésuite. «De toutes les façons, les victimes n’ont plus confiance dans la direction de l’évêché. Ça fait dix ans que ça dure», ajoute-t-il.
Le rapport de 800 pages présenté ce jeudi par le cabinet Gercke de Cologne a permis de recenser plus de 300 victimes d’abus sexuels dans le diocèse entre 1975 et 2018, dont 50 % en dessous de 14 ans, et plus de 200 «responsables», dont 70 % étaient des membres du clergé. Ces derniers n’ont jamais été sanctionnés, contrairement aux laïcs.
«Frères dans la brume»
Le cardinal Rainer Maria Woelki est donc mis hors de cause par ce rapport qu’il avait commandé après avoir enterré un autre rapport commandé en 2018 pour des raisons de «méthodes défaillantes» et de «protections des données». Cette décision avait déclenché une révolte parmi les catholiques du diocèse et plongé l’Eglise catholique allemande dans une grave crise de confiance. En dix ans, elle a déjà perdu près de deux millions de membres qui payaient «l’impôt d’Eglise».
«Médiatiquement parlant, il aurait été plus facile de conduire monsieur Woelki directement à l’échafaud», a ironisé l’avocat Björn Gercke. Dans son rapport, dont l’un des auteurs gagne sa vie en défendant des ecclésiastiques dans des affaires de pédophilie, il nomme un autre responsable : le prédécesseur de Woelki, le cardinal Joachim Meisner, décédé en 2017. «C’est toujours pareil. Ils préfèrent accuser les morts», peste Matthias Katsch.
Joachim Meisner est accusé à titre posthume d’avoir «manqué à son devoir» dans 24 cas. A chaque affaire, les pédophiles ont réussi à obtenir une «deuxième chance» en raison du pardon, «l’une des grandes valeurs du christianisme», explique le rapport. L’ancien archevêque tenait même un dossier spécial, intitulé «Frères dans la brume», dans lequel il consignait des documents secrets.
L’évêque de Hambourg démissionne
Le rapport vise néanmoins un évêque encore en vie, Stefan Hesse. L’ancien vicaire général de l’évêché de Cologne, actuellement évêque de Hambourg, a bien étouffé une dizaine d’affaires de pédophilie, comme on le soupçonnait depuis longtemps. Il a demandé ce jeudi au pape à être démis de ses fonctions. Par ailleurs, deux membres du diocèse de Cologne ont été limogés dans la foulée.
Les soupçons qui pèsent sur le cardinal Woelki – dont on réclame la démission parmi les catholiques – ne sont pas écartés pour autant. Au moins dans une affaire, à Düsseldorf, il a manqué à son obligation de signalement concernant un prêtre qu’il connaissait depuis des années. Lorsqu’il a fêté sa nomination comme cardinal en 2012, ce prêtre était à la table des invités. On connaissait déjà les faits. Lorsqu’il a été convaincu de sa culpabilité, Rainer Maria Woelki a assuré que l’état de santé de ce prêtre ne lui permettait plus de répondre à des interrogatoires. Pour cette raison, il n’avait pas signalé l’affaire.
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