Menu
Libération
Liberté de la presse

Le correspondant du «Monde» interdit d’exercer en Russie, Moscou pose ses conditions pour renouveler son accréditation

La diplomatie russe a annoncé, ce jeudi 6 février, que l’accréditation de Benjamin Quénelle, correspondant du «Monde» en poste à Moscou, sera renouvelée si Paris délivre, en échange, un visa à un journaliste russe.
«Le Monde» a dénoncé, mercredi 5 février, «l’expulsion déguisée» de son correspondant à Moscou dont l’accréditation de presse a été «annulée» par les autorités russes. (Thibaut Durand/Hans Lucas.AFP)
publié le 5 février 2025 à 21h38
(mis à jour le 6 février 2025 à 9h04)

Une atteinte à la liberté de la presse. L’accréditation du correspondant à Moscou du Monde sera renouvelée si Paris commence à délivrer les visas aux journalistes russes, a annoncé ce jeudi 6 février la diplomatie russe. Le Monde a dénoncé, mercredi dans un éditorial, «l’expulsion déguisée» de son correspondant dans la capitale russe, Benjamin Quénelle, dont l’accréditation de presse a été «annulée» par les autorités russes. «Cette révocation de notre droit à pratiquer notre métier [en Russie] est sans précédent», a déploré le directeur du journal, Jérôme Fenoglio, dans un texte en français et en russe. «Cette décision arbitraire constitue une nouvelle entrave à la liberté d’informer dans [le] pays», ajoute-t-il. Selon lui, c’est la première fois depuis 1957 que le Monde est ainsi «empêché de maintenir un correspondant en poste à Moscou».

L’accréditation de Benjamin Quénelle a d’abord été «suspendue» il y a quatre mois avant d’être annulée, «ce qui revient de fait à lui interdire de pouvoir exercer son métier de correspondant dans la capitale russe et dans l’ensemble du pays», estime le directeur du quotidien. «Même dans les moments les plus tendus de la guerre froide, le Monde avait poursuivi son travail à Moscou et ailleurs, pour effectuer enquêtes et reportages afin de raconter et d’expliquer la réalité et les complexités de ce pays continent», affirme son directeur.

La porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a fait savoir ce jeudi qu’il s’agissait de «mesures de riposte» de Moscou au refus par Paris de délivrer à deux reprises le visa au journaliste russe du quotidien populaire Komsomolskaïa pravda, Alexandre Koudelia. «La partie russe a informé officiellement le ministère français des Affaires étrangères et le chef de la mission diplomatique française à Moscou qu’elle serait obligée de prendre des mesures de riposte, si Paris ne revenait pas sur sa décision», a-t-elle souligné. Comme cela n’a pas été le cas, «les mesures de rétorsion annoncées ont suivi», selon la porte-parole. «Le choix s’est porté sur le correspondant du Monde en Russie» dont «l’accréditation nécessitait justement un renouvellement technique», a-t-elle expliqué.

«Journalistes» espions russes

Depuis le début de l’offensive russe en Ukraine en février 2022 et la mise en place de lourdes sanctions occidentales contre Moscou, les accréditations de la presse étrangère travaillant en Russie doivent être renouvelées tous les trois mois. Elles étaient auparavant valables pendant un an. «Si le problème de délivrance de visas aux journalistes russes est réglé, le correspondant français se verra aussi délivrer une accréditation», a conclu Maria Zakharova.

Se référant aux explications données à la diplomatie française par le ministère des Affaires étrangères russes, Jérôme Fenoglio a expliqué dans un premier temps que cette décision «constitu [ait] une mesure de rétorsion après le refus par Paris de délivrer un visa de presse à de supposés journalistes du quotidien Komsomolskaïa Pravda», réputé proche du Kremlin. Selon le Quai d’Orsay, ces journalistes étaient en réalité des «agents des services de renseignement russes», a souligné le directeur du Monde qui appelle Moscou à faire machine arrière.

Mis à jour ce jeudi 6 février à 9 heures avec la réponse de la diplomatie russe.