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Libération
Guerre en Ukraine

Le général russe Dvornikov, des carnages de la Tchétchénie au Donbass

Guerre entre l'Ukraine et la Russiedossier
Le Kremlin a désigné Aleksandr Dvornikov pour mener l’offensive dans le sud-est de l’Ukraine et permettre à Vladimir Poutine de clamer la victoire avant la date symbolique du 9 mai. Ses états de service, notamment en Syrie, lui valent une réputation épouvantable.
Le président Vladimir Poutine avec le colonel général Alexander Dvornikov à Moscou, en mars 2016. (Alexei Nikolsky/AP)
publié le 11 avril 2022 à 7h00

Vu de Moscou, il est l’homme de la situation. Le général Aleksandr Dvornikov, 60 ans, aurait été choisi, selon la BBC et Sky News, pour mener la prochaine offensive de la Russie en Ukraine. Ce gradé, le seul général d’armée à diriger un district militaire, est en charge de celui du sud de la Russie depuis 2016. Ce rayon d’action comprend notamment la Crimée, le Donbass et la région de Rostov-sur-le-Don, autant dire qu’il connaît les lieux. Dvornikov sera chargé dans les heures ou les jours qui viennent de lancer la prochaine offensive russe en Ukraine avec une mission : capturer l’ensemble du Donbass. Pour cela, le militaire va devoir améliorer la communication entre les différents districts, qui avait fait défaut lors de la première offensive lancée le 24 février.

Chair à canon

L’heure est à la préparation. Depuis plusieurs jours déjà, les troupes se rassemblent aux frontières sud-est de l’Ukraine. L’offensive sur Marioupol, proche de sa fin, sonnera certainement le début de cette seconde opération. La mission du général comporte toutefois plusieurs contraintes. Tout d’abord, le temps. Dvornikov devra conclure son opération, forcément victorieuse, en moins d’un mois, avant le 9 mai, jour de commémoration de la victoire soviétique contre l’Allemagne nazie. Le 9 mai est le zénith du patriotisme russe, célébré par un défilé militaire puis un défilé civil ; le président russe Vladimir Poutine devra être capable d’y présenter une victoire. La victoire consistera en la capture de l’ensemble des régions de Louhansk et Donetsk, dont les frontières ont peu évolué depuis le début de l’opération. L’armée russe, bien occupée et mise en difficulté dans les grandes villes d’Ukraine, s’est jusqu’ici appuyée sur la chair à canon des adultes sans expérience mobilisés dans les zones séparatistes et des miliciens de l’organisation paramilitaire Wagner pour tenter de pousser le front ukrainien vers le nord.

En huit ans, l’armée ukrainienne a créé une ligne de contact difficile à percer, une grande partie de la région de Donetsk doit donc encore être conquise par la Russie. Mais le général Dvornikov ne devra pas se contenter de prendre la région : il devra, selon les termes du Kremlin, la démilitariser en piégeant le plus de soldats ukrainiens possible. Le scénario est connu d’avance car la ligne dure du Kremlin en rêve depuis 2014. Alors que ces derniers jours, ces va-t-en-guerre se sont excités et ont crié au scandale à chaque fois que le Kremlin laissait entendre que l’opération militaire pourrait toucher à sa fin, Dvornikov sera chargé de leur offrir leur fierté sur un plateau pour le 9 mai.

Les honneurs de la nation

Aleksandr Dvornikov fait également frémir les experts de la question syrienne. Car le militaire n’est pas réputé pour faire dans la dentelle, encore moins pour son attachement aux règles de la guerre. Depuis le début de l’opération militaire russe en Syrie, il est également le commandant du groupement des forces armées russes présent sur place. En 2015, sous son commandement, les forces russes en Syrie avaient été largement accusées par des ONG d’avoir bombardé des quartiers civils et ciblé des hôpitaux. Sur le New York Times, Rami Abdulrahman, directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’homme, estime par exemple que «Bachar al-Assad n’est pas le seul à être tenu pour responsable du meurtre de civils en Syrie : le général Aleksandr Dvornikov devrait l’être aussi. En tant que commandant des opérations militaires, cela signifie qu’il est derrière le meurtre de civils syriens.»

Cela va sans dire, Dvornikov a le CV qui va avec l’emploi. Il est né en 1961 à Oussouriisk, en Extrême-Orient, avant de partir étudier à Moscou où il a reçu son diplôme avec mention de l’Ecole supérieure de commandement interarmes. En 1982, il a servi dans le district militaire d’Extrême-Orient en tant que commandant de peloton, commandant de compagnie et chef d’état-major de bataillon. De 1995 à 2000, il a été commandant d’un régiment de fusiliers motorisés dans le district militaire de Moscou. Alors que la deuxième guerre de Tchétchénie battait son plein, il a ensuite été nommé commandant d’une division de fusiliers motorisés dans le district militaire du Caucase du Nord. Une telle carrière implique, en toute évidence, les honneurs de la nation. Le général a reçu le titre de «héros de la Fédération de Russie» en 2016 et a été nommé général d’armée en 2020. Alors que la première intervention de l’armée russe en Ukraine a soulevé de nombreuses questions sur ses réelles capacités, le général Dvornikov sera chargé, durant les quelques semaines qui lui sont imparties, d’agir, cette fois-ci, vite et efficacement.