L’objectif est double : réduire le coût pour les contribuables et dissuader les traversées. Mais expulser les demandeurs d’asile vers le Rwanda, comme le prévoit le projet de loi sur l’immigration illégale actuellement débattu au parlement de Westminster, pourrait avoir l’effet exactement opposé. Selon une analyse d’impact économique produite par le gouvernement lui-même, chaque individu envoyé au Rwanda pendant l’étude de sa demande d’asile devrait coûter 169 000 livres (197 000 euros) à l’Etat. C’est-à-dire 63 000 livres de plus que de loger la même personne sur le sol britannique.
«Ne rien faire, pas une option»
Le député conservateur, Craig Mackinlay, a avoué sur la BBC que cette mesure est un «outil imparfait», ajoutant qu’il s’agit de «dépenser pour économiser». A ce prix, pour que la mesure ait un effet nul sur les finances de l’Etat, il faudrait qu’un peu plus d’un tiers (37 %) des personnes cherchant à traverser la Manche y renoncent face à la menace d’expulsion vers le Rwanda ou tout pays «sûr» avec lequel le Royaume-Uni signerait un accord similaire. Or, le document estime qu’il n’est «pas possible d’estimer avec précision le niveau de dissuasion» d’un texte de loi «qui n’a pas encore fait ses preuves». D’autant plus que le «consensus académique montre qu’il y a peu ou aucune preuve suggérant qu’un changement de législation dans le pays de destination a un impact dissuasif».
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Malgré tout, Suella Braverman, la secrétaire d’Etat de l’Intérieur, a défendu la mesure. Elle a estimé que ce document est la preuve que «ne rien faire n’est pas une option. Nous ne pouvons pas continuer avec un système qui incite les gens à risquer leur vie et à payer les passeurs pour venir dans ce pays illégalement, tout en faisant endosser la responsabilité au contribuable». Le gouvernement dépense actuellement 6 millions de livres par jour pour loger les demandeurs d’asile dans des hôtels. Il compte d’ici peu les installer dans les trois navires désaffectés amarrés dans des ports britanniques. Le premier devrait déjà être mis en place mais il ne sera finalement pas prêt avant plusieurs semaines, selon le gouvernement.
Vol arrêté in extremis
«Fut un temps, il y avait ce qu’on appelle des décisions politiques basées sur des données objectives… Ce n’est pas le cas ici», a déploré sur la BBC Enver Solomon, le chef exécutif de l’association Refugee Council. Le parti travailliste estime de son côté que certains aspects du projet de loi sur l’immigration contreviennent aux lois internationales.
Le premier vol vers le Rwanda a été arrêté in extremis par un juge de la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg en juin 2022. Mais la Haute Cour de justice britannique a estimé en décembre que le programme d’expulsion était légal avant que la décision ne soit à nouveau contestée. La Cour d’appel doit rendre son verdict jeudi.