Un immense parking, des touristes qui font des selfies à peine sortis de la voiture, une procession de chaussures Quechua, des animaux blasés, encore des photos («Tu vas les mettre sur Facebook, Maman ?») et, au bout du chemin, au milieu de nulle part, un petit stand qui vend sodas et beignets, histoire de se remettre de cette petite heure d’ascension dans le parc national des Bieszczady, à la frontière ukrainienne, à l’extrême sud-est de la Pologne. Plus qu’une randonnée, c’est un pèlerinage à la légendaire Chatka Puchatka. Enfin presque : la «cabane de l’ourson» n’est plus. Détruite l’année dernière, elle doit être remplacée par un refuge tout confort. Le tourisme de masse aura-t-il raison de l’esprit libertaire des Bieszczady, né avec la Chatka ?
Soixante ans plus tôt, il n’y avait ni asphalte ni parking et une seule voiture, celle de Ludwik Pińczuk, un jeune Polonais originaire de Yougoslavie, qui s’acharnait à monter à dos de cheval plus de 150 tonnes de matériel pour construire ce qui deviendra la Chatka Puchatka. Il traîne depuis longtemps dans le massif des Bieszczady, où il a été attiré par la cueillette des myrtilles, «plus sympa que les mines de Silésie et mieux payé». A l’époque, la région est un no man’s land : les minorités lemko, boyko et