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Bonne résolution

Le Parlement européen réclame une «stratégie de sauvetage» des migrants en Méditerranée

Migrants, l'hécatombedossier
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Les eurodéputés ont adopté ce jeudi 13 juillet une résolution transpartisane appelant notamment la Commission à apporter aux Etats membres de l’UE un «soutien matériel, financier et opérationnel» pour renforcer leurs capacités de sauvetage en mer.
Des migrants entassés sur un bateau en mer Egée, photographiés par les garde-côtes grecs lors d'une opération de sauvetage, le 14 juin 2023. (Hellenic Coast Guard/REUTERS)
par Raphaël Ouaiss et AFP
publié le 13 juillet 2023 à 20h40

Se donner les moyens d’éviter de nouvelles hécatombes de migrants en méditerranée. Suite à un naufrage meurtrier survenu le 14 juin dernier aux larges des côtes Grecques qui aurait provoqué la mort d’au moins 600 personnes, les eurodéputés ont réclamé jeudi l’élaboration d’une «stratégie de recherche et de sauvetage fiable et permanente» des migrants en Méditerranée dans une résolution transpartisane, dépourvue de caractère contraignant. Ils appellent Bruxelles à apporter aux Etats membres de l’UE un «soutien matériel, financier et opérationnel» pour renforcer leurs capacités de sauvetage en mer.

27 600 personnes disparues depuis 2014

Les élus du Parlement européen citent les chiffres de l’Organisation internationale pour les Migration (OIM), selon laquelle plus de 27 600 personnes ont disparu en Méditerranée depuis 2014. «Pour 2023, le chiffre a déjà atteint 1 875 personnes décédées ou disparues», soulignent-ils, exigeant que «tous les naufrages» fassent l’objet «d’enquêtes rapides et indépendantes». Ils rappellent également l’obligation, «en vertu du droit international de la mer, de porter assistance aux personnes en détresse», et déplorent qu’il n’y ait eu «aucune action proactive» de recherche et de sauvetage menée par les Etats en Méditerranée centrale «depuis la fin de l’opération Mare Nostrum», en octobre 2014. Il s’agissait en effet d’une opération humanitaire de sauvetage de migrants clandestins, lancée à la suite d’un naufrage meurtrier survenu aux larges des côtes de Lampedusa en octobre 2013.

Mettre fin au «délit de solidarité»

Dans leur résolution les eurodéputés appellent donc les Etats, mais aussi l’agence européenne de gardes-frontières Frontex, à «renforcer» ces opérations et à y dédier des moyens humains et matériels spécifiques, estimant que les navires des ONG «ne devraient pas se substituer» à l’action des Etats membres et de l’UE. Ils demandent néanmoins que les ports «restent ouverts aux navires des ONG», et à ne pas incriminer «ceux qui portent secours aux migrants en détresse». En France par exemple, une nouvelle jurisprudence est née du fait de la condamnation de personnes au motif qu’elles ont porté assistance à des migrants, en situation irrégulière sur le sol français et en grande détresse. Elle permet donc de s’y adosser pour sanctionner de nouveaux cas de solidarité, même si la lettre de la loi ne prévoit pas de «délit de solidarité». De même, ils demandent à commission européenne de vérifier si les mesures prises par certains Etats visant à empêcher l’entrée de navires de secours dans leurs eaux territoriales sont «conformes» au droit international.

Jeudi, cinq ONG (Oxfam Italie, MSF, SOS Humanity, l’Association Etudes Juridiques sur l’Immigration et Emergency) ont annoncé avoir déposé plainte auprès de Bruxelles contre une loi italienne obligeant un navire à se rendre sans délai vers un port assigné après une opération de sauvetage, rendant impossible l’assistance immédiate «à d’autres bateaux en détresse».


Une législation «aggravée» par la pratique des autorités italiennes

Cette législation est «aggravée» selon les ONG par la pratique des autorités italiennes tendant à désigner «des ports éloignés de la zone où le sauvetage a eu lieu». «Plutôt que d’entraver le travail des ONG, les États membres de l’UE devraient les impliquer dans la mise en place d’un système adéquat pour les activités de recherche et de sauvetage», jugent-elles. Un chalutier vétuste et surchargé parti de Libye a fait naufrage au large de la Grèce dans la nuit du 13 au 14 juin. Seuls 104 exilés ont pu être secourus alors que l’embarcation transportait environ 750 personnes, relèvent les eurodéputés. Quatre-vingt-deux corps ont pu être récupérés mais les autres naufragés sont présumés morts.

Résoudre la crise de l’accueil des migrants en Europe suppose une solidarité entre Etats membres de l’UE, au risque sinon de voir les Etats en première ligne comme l’Italie ou la Grèce se retrouver seuls à gérer les arrivées de migrants et de demandes d’asiles. Depuis la fin de l’opération de sauvetage Mare Nostrum en 2014 c’est le manque de coopération entre Etats membres qui prévaut. Au delà de l’ effet d’annonce cette résolution traduit la volonté des eurodéputés d’aboutir à une prise en charge cde l’accueil des migrants par l’UE. Elle n’est pas contraignante, mais interpelle la Commission européenne comme les gouvernements des 27 Etats-membres qui jusqu’à présent n’ont réussi à s’entendre que sur un registre répressif en matière de politique migratoire.