Un drapeau hissé sur la tombe d’un espoir d’indépendance. Le président azerbaïdjanais Ilham Aliev était ce dimanche pour la première fois à Stepanakert, capitale du Haut-Karabakh, après la reprise de cette région aux séparatistes arméniens. Il en a profité pour hisser le drapeau national, conclusion symbolique de l’offensive militaire éclair lancée par Bakou en septembre.
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«Nous avons réalisé ce que nous voulions, nous avons accompli le rêve du peuple azerbaïdjanais depuis des décennies, a-t-il déclaré dans un discours victorieux depuis cette ville que les Azerbaïdjanais appellent Khankendi. Nous avons repris nos terres.» Il a assuré que «hisser le drapeau azerbaïdjanais» dans le Haut-Karabakh était son «objectif numéro un» depuis son accession à la présidence, il y a 20 ans, succédant à son père Heydar Aliev : «C’est un grand bonheur et un événement historique.»
C’est la première fois qu’Ilham Aliev, 61 ans, se rend dans la capitale du Haut-Karabakh depuis que la région était tombée aux mains des séparatistes arméniens dans les années 1990. Habillé d’un treillis militaire kaki et d’un T-shirt noir selon des images publiées par ses services, le dirigeant a également hissé le drapeau aux trois bandes horizontales - bleu ciel, rouge, verte - dans d’autres localités de la région, à l’occasion de ce déplacement inédit et surprise.
Bakou a remporté il y a moins d’un mois une victoire militaire en 24 heures face aux séparatistes arméniens du Haut-Karabakh, qui s’est depuis vidé d’une immense partie de sa population. La visite du président azerbaïdjanais marque aussi symboliquement la fin de ce conflit qui a vu s’affronter l’Azerbaïdjan et l’Arménie depuis leur indépendance, il y a plus de trente ans. L’Azerbaïdjan et l’Arménie se sont opposés lors de deux guerres pour le contrôle de cette enclave montagneuse, l’une dans les années 1990 à la dislocation de l’URSS, l’autre à l’automne 2020, remportée par Bakou.
Consécration
Le fils du président Heydar Aliev - ancien officier du KGB et dirigeant communiste qui a gouverné le pays presque sans interruption de 1969 à 2003 - a ainsi réussi la mission qu’il s’était fixée : réunifier son pays en reprenant le contrôle du Haut-Karabakh. Une consécration après vingt ans à la tête d’un régime dur qui ne tolère aucune opposition. Le soutien politique du président turc Recep Tayyip Erdogan, qui lui a vendu des armes, a indéniablement compté pour faire plier l’Arménie, soutien des séparatistes et ennemi historique d’Ankara.
Les tensions ne sont toutefois pas apaisées entre Bakou et Erevan. L’Arménie - qui accuse la Russie de l’avoir abandonné, ce que Moscou nie -, s’inquiète désormais pour la sécurité de son propre territoire. Dans ce contexte, le président arménien Vahagn Khatchatourian a signé samedi la ratification du statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), un premier pas qui pourrait permettre à l’Arménie d’encourager les enquêtes sur ce qu’elle juge être les «crimes de guerre» de Bakou au Haut-Karabakh, des accusations balayées par l’Azerbaïdjan. Mais l’Arménie espère surtout que son adhésion lui offrira une protection supplémentaire contre son puissant voisin azerbaïdjanais.
A l’initiative de l’Union européenne, Ilham Aliev et le Premier ministre arménien Nikol Pachinian pourraient se retrouver d’ici la fin du mois d’octobre à Bruxelles pour tenter de réduire les fortes tensions entre leurs deux pays. Par ailleurs, le pape François a lancé dimanche un appel à préserver le patrimoine religieux du Haut-Karabakh, en particulier ses vieux monastères, face à l’incertitude entraînée par la reprise de la région par l’Azerbaïdjan.