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Libération
Charité revisitée

Le président nationaliste polonais refuse de prolonger certaines aides financières aux réfugiés ukrainiens

Karol Nawrocki a opposé lundi 25 août son véto à une loi prolongeant les aides aux réfugiés ukrainiens. Le président souhaite conditionner les aides financières «uniquement» aux réfugiés qui «s’appliquent à travailler en Pologne».
Karol Nawrocki à Varsovie, en Pologne, le 21 août 2025. (Kuba Stezycki/REUTERS)
publié aujourd'hui à 12h33

Varsovie fait le tri dans la solidarité. Fraîchement installé dans le fauteuil de président de la Pologne, Karol Nawrocki n’a pas tardé à afficher la couleur. Le nouveau chef de l’Etat nationaliste, qui ne cache pas ses sympathies pour Donald Trump, a opposé, lundi 25 août, son véto à un projet de loi qui visait à prolonger la protection et les aides aux réfugiés ukrainiens vivant en Pologne. Selon lui, ces soutiens doivent désormais être limités à ceux ayant un emploi. Ces aides «devraient être réservées uniquement aux Ukrainiens qui s’appliquent à travailler en Pologne», a-t-il martelé à la presse, avant d’ajouter qu’il «ne changerait pas d’avis».

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, la Pologne s’était montrée en première ligne de l’accueil d’Ukrainiens. Plus d’un million de réfugiés, principalement des femmes et des enfants, ont trouvé refuge de l’autre côté de la frontière. Le pays reste un pilier du soutien à Kyiv, tant sur le plan humanitaire que logistique, notamment pour le transit des armes occidentales à l’Ukraine.

Réduction des bénéfices aux Ukrainiens

Le projet de loi, proposé par le gouvernement pro-européen et adopté par le Parlement, prévoyait la prolongation jusqu’au 4 mars 2026 de la protection temporaire accordée aux citoyens ukrainiens fuyant la guerre. Il devait régler un large spectre de sujets concernant, entre autres, les bénéfices sociaux, les questions relatives aux permis des séjours, l’exercice de certains métiers par les Ukrainiens ou la prolongation du paiement par la Pologne des abonnements pour le réseau de communication américain Starlink - essentiel pour les communications militaires en Ukraine. Selon le ministère du Numérique, la Pologne a dépensé 77 millions d’euros entre 2022 et 2024 pour l’achat et l’abonnement au système Starlink pour l’Ukraine.

La loi actuelle concernant ces domaines expire fin septembre. Selon Karol Nawrocki, qui pendant la campagne électorale a assuré qu’il bataillerait pour réduire les bénéfices sociaux aux Ukrainiens et leurs enfants vivant en Pologne, celles-ci ne devraient être attribuées qu’aux personnes ayant un emploi. Selon lui, les réfugiés ukrainiens ne travaillant pas en Pologne ne devraient plus bénéficier de la couverture médicale gratuite, «car cela nous place dans une situation où les citoyens polonais, dans leur propre pays, sont traités moins bien que nos invités ukrainiens». Selon le quotidien britannique The Guardian, les allocations familiales s’élèvent à 800 zlotys (environ 188 euros) par mois.

Karol Nawrocki a assuré que sa décision ne remettait pas en question les objectifs stratégiques de l’Etat polonais, en l’occurrence le soutien à l’Ukraine, car c’est «Vladimir Poutine et la Fédération de Russie [qui] sont à l’origine de ce conflit et l’Ukraine [qui] est victime dans cette guerre». Il a également annoncé qu’il proposerait son propre projet de loi réglant ces questions.

Sans réfugiés, un gain «perdu»

Ce veto présidentiel a été condamné par le gouvernement pro-européen de Donald Tusk. «On ne peut pas punir pour une perte d’emploi - surtout pas les enfants innocents. C’est l’ABC de la décence humaine», a déclaré sur X la ministre du Travail Agnieszka Dziemianowicz-Bak. Selon la confédération patronale Lewiatan, le veto du président «est une mauvaise nouvelle», aussi bien pour les Ukrainiens vivant en Pologne que pour les entrepreneurs qui les emploient. Lewiatan a souligné que jusqu’à 80 % des citoyens ukrainiens vivant en Pologne sont actifs professionnellement, «l’un des taux les plus élevés parmi les réfugiés de guerre dans les pays de l’OCDE».

Selon un rapport récent du cabinet international Deloitte réalisé avec l’UNHCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, les Ukrainiens qui ont fui leur pays «ont eu un impact net de + 2,7 % sur le PIB» polonais. Ce gain serait «perdu» si les réfugiés devaient partir, selon ce document. The Guardian assure aussi qu’une étude réalisée cette année par la Banque nationale de développement polonaise a révélé que les Ukrainiens avaient contribué davantage aux impôts qu’ils n’avaient perçus de prestations sociales et que leur travail était crucial pour la stabilité économique.

La situation tend un peu plus les relations entre le gouvernement et le président et les place dans une impasse législative. Le quotidien britannique confirme que Tusk, qui espérait que son allié politique Rafal Trzaskowski, le maire de Varsovie, remporterait l’élection présidentielle, a vu ses espoirs s’envoler quand le candidat de droite Karol Nawrocki a remporté la victoire serrée - lui permettant depuis, d’opposer largement son veto aux projets de loi du gouvernement.