Prétextant être «sous pression», à cause de «toutes sortes de problèmes», le président serbe Aleksandar Vucic a annoncé ce samedi matin annuler l’EuroPride, une marche des fiertés paneuropéenne organisée chaque année dans une ville différente du continent. Mais les mots employés pour annoncer cette décision laissent peu de doute sur ses motivations profondes.
«En accord avec la majorité des membres du gouvernement et avec la Première ministre […] la marche des fiertés, ou quel que soit le nom de cette chose, sera reportée ou annulée», pose sans sourciller Aleksandar Vucic lors d’une conférence de presse.
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«Simplement, à un moment donné, on ne peut pas tout gérer. Une autre fois, en des temps plus heureux», justifie-t-il. Il évoque, pêle-mêle, une nouvelle montée des tensions au Kosovo, ancienne province serbe, majoritairement albanaise, qui a proclamé en 2008 son indépendance, jamais reconnue par Belgrade, mais également des problèmes liés à l’énergie et à l’alimentation.
Le président serbe formule cette annonce quelques minutes après avoir chargé la Première ministre sortante, Ana Brnabic, ouvertement lesbienne, de former un nouveau gouvernement, près de cinq mois après les élections du début avril.
«La marche aura lieu comme prévu le 17 septembre»
La tenue de l’Europride était prévue à Belgrade du 12 au 18 septembre, avec une semaine de festivités et d’événements et une marche des fiertés programmée pour son avant-dernier jour. Cette grande manifestation annuelle est organisée depuis 1992, sa première édition ayant eu lieu à Londres.
Les organisateurs de l’Europride affirment, eux, que l’événement aurait lieu comme prévu, soulignant que plusieurs décisions de justice avaient établi que d’autres annulations dans le passé avaient été inconstitutionnelles. «L’État ne peut pas annuler l’Europride - il peut seulement essayer de l’interdire, ce qui serait une violation évidente de la Constitution», réagit sur Twitter le coordonnateur de la manifestation Marko Mihajlovic. «La marche aura lieu comme prévu le 17 septembre», maintient-il.
Se tenir par la main reste un tabou pour les couples de même sexe en Serbie où près de 60 % des membres de la communauté LGBTQ ont signalé des abus physiques ou émotionnels, selon un sondage réalisé en 2020 par les organisations de défense des droits de l’Homme, IDEAS et GLIC. Les deux premières marches des fiertés de Belgrade, organisées en 2001 et en 2010, avaient été entachées de violences opposant des manifestants anti-gays aux forces de l’ordre. Le défilé est organisé régulièrement depuis 2014, mais avec un important dispositif des forces de l’ordre.