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Elections

Législatives au Kosovo : nouveau succès pour Albin Kurti, tribun de l’autodétermination

Arrivé en tête avec 41% des suffrages, le Premier ministre de gauche est en bonne position pour poursuivre sa politique de fermeté face à une Serbie qui ne reconnaît toujours pas l’indépendance de son pays.
Albin Kurti, le 7 février à Pristina. (Valdrin Xhemaj/REUTERS)
par Louis Seiller, Correspondant à Pristina
publié le 10 février 2025 à 9h40
(mis à jour le 19 février 2025 à 12h18)

Et de trois pour Albin Kurti. En arrivant pour la troisième fois en tête avec 41 % des voix – selon les résultats publiés par la Commission électorale après le dépouillement de 90% des bulletins –, son parti de gauche souverainiste, Vetëvendosje (Autodétermination), a remporté haut la main les élections législatives, dimanche 9 février. Les attaques de l’ensemble des partis d’opposition, comme l’ingérence, à quelques jours du scrutin, de l’émissaire spécial de Donald Trump, Richard Grenell, le dépeignant en menteur et déstabilisateur, n’auront pas inversé la tendance. A 49 ans, le tribun de l’autodétermination jouit toujours d’une belle popularité auprès des 2 millions d’électeurs kosovars, même s’il devra cette fois trouver un partenaire de coalition. Derrière sa formation, le Parti démocratique du Kosovo (droite) totalise 22% des voix et la Ligue démocratique du Kosovo (centre droit) 17%.

Affirmation de la souveraineté

Pourtant, la partie n’était pas gagnée d’avance pour «Albin l’incorruptible». Bien loin d’assouvir la soif de justice sociale du pays le plus jeune d’Europe, le mandat de ce social-démocrate au passé d’activiste a été accaparé par le bras de fer avec Belgrade. Avec un succès indéniable à la clé : l’affirmation de sa souveraineté dans le nord du pays, à majorité serbe. Ce petit territoire d’environ 1 000 kilomètres carrés était resté sous le contrôle de Belgrade depuis l’indépendance du pays en 2008 (et toujours non reconnue par la Serbie), gangrené par les trafics.

En quelques mois, Albin Kurti y a imposé l’autorité de sa police et des institutions kosovares : démantèlement de structures criminelles, interdiction des plaques d’immatriculation et du dinar serbes, fermeture des banques, postes et municipalités financées par Belgrade… Malgré les réactions souvent violentes, et notamment l’attaque d’un commando venu de Serbie en septembre 2023, le Premier ministre a réussi là où aucun de ses prédécesseurs ne s’était aventuré. Au grand dam du président serbe, mais aussi de beaucoup de Serbes du Kosovo (environ 5 % de la population) qui s’estiment victimes d’un acharnement.

Opinion très patriotique

Tout en vantant les vertus de sa jeune démocratie, le Premier ministre candidat à sa réélection a fait de cette défense de l’intégrité territoriale son principal argument de campagne. Ses actions unilatérales lui ont pourtant mis à dos les partenaires internationaux d’un Kosovo toujours non reconnu par les Nations unies. Fait inédit, l’Union européenne a même imposé des sanctions financières contre Pristina. Mais ces critiques répétées ont plutôt conforté sa cote de popularité. La plupart des Kosovars n’en peuvent plus de voir les diplomates occidentaux faire des courbettes au président serbe, le pro-russe Aleksandar Vucic. Au Kosovo, cet ancien ministre de Slobodan Milosevic reste associé au conflit de la fin des années 90 qui a fait près de 13 000 morts (en majorité des Albanais).

La guerre et ses douloureux souvenirs, Albin Kurti n’a pas hésité à les brandir lors de ses meetings, évoquant «une Serbie génocidaire» et annonçant des investissements dans l’armement. Avec toujours, sur la scène derrière lui, non pas le drapeau bleu à étoiles du Kosovo, mais le rouge et noir de l’Albanie. Sa promotion à peine voilée de la «grande Albanie» irrite ses voisins balkaniques, mais elle fonctionne auprès d’une opinion kosovare très patriotique. Elle permet au Premier ministre de faire quelque peu oublier son absence de résultats comme de programme économiques. Alors que l’inflation frappe durement les foyers kosovars et que 19,2 % du pays vit toujours sous le seuil de pauvreté, près de 10 % de la population a émigré depuis 2011.