Les débris d’un missile retrouvé dans le centre-ville de Kharkiv après une série de bombardements russes en Ukraine le 2 janvier sont «visuellement et techniquement différents» des modèles russes habituellement utilisés dans ce type d’attaques, a annoncé dimanche le bureau du procureur régional de Kharkiv. L’attaque avait tué deux civils et en avait blessé 62.
Depuis la fin décembre 2023, l’ensemble de l’Ukraine est soumis à des frappes russes d’une nouvelle intensité. Samedi, des missiles russes se sont abattus sur des maisons de la ville de Pokrovsk, non loin de Donetsk, dans l’est du pays, tuant 11 civils, dont cinq enfants. Le vendredi 29 décembre, des attaques dans tout le pays avaient tué 55 civils.
«De très gros morceaux [d’un missile] sont restés intacts» après l’impact, a indiqué Dmytro Chubenko, porte-parole du bureau du procureur régional de Kharkiv, «ce qui a permis l’examen détaillé de l’arme». Selon lui, le missile en question est une version «atypique» des missiles russes Iskander. «Ce missile est un peu plus gros que l’Iskander, environ 10 millimètres de diamètre plus large, et à l’intérieur, il est aussi différent, avec un enchevêtrement de câbles, alors que l’Iskander dispose d’une protection électronique. Ici, ça manque, il y a juste des câbles à l’intérieur du missile», a-t-il dit. L’agence de presse Reuters a montré les images de ce missile, d’une portée de 900 km, à Joost Oliemans, expert néerlandais sur l’armée nord-coréenne. Le chercheur a estimé que les débris ressemblaient bien à ceux d’un missile nord-coréen.
Numéro de fabrication effacé
La comparaison avec des photos de missiles nord-coréens disponibles en source ouverte «montre de grandes similarités» avec les débris du missile tombé sur Kharkiv, a précisé Chubenko. «Nous savons que les missiles nord-coréens ont été fabriqués sur le modèle (russe) de l’Iskander. C’est pourquoi nous penchons vers la version qu’il pourrait bien s’agir d’un missile fourni par la Corée du Nord». Selon lui, et contrairement à l’habitude, les numéros d’identification semblent avoir été effacés. «Cette tentative d’effacer les numéros sur certaines parties indique une volonté de cacher des informations à propos du missile». Le porte-parole du bureau du procureur régional a cependant tenu à rester prudent en rappelant qu’il «n’existe à l’heure actuelle aucune preuve directe qui permette d’affirmer qu’il s’agit (d’un missile) de la Corée du Nord ou d’un autre pays».
Vendredi, Mykhaïlo Podoliak, l’un des proches conseillers du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, n’avait pas été aussi précautionneux et avait affirmé sur X (anciennement Twitter) qu’«il n’y a désormais plus aucun doute que dans le cadre de sa guerre génocidaire, la Fédération de Russie a, pour la première fois, frappé le territoire de l’Ukraine avec des missiles reçus de la Corée du Nord». Ces propos étaient prononcés après les déclarations jeudi de John Kirby, porte-parole du Conseil américain de la sécurité nationale, qui avait accusé la Russie d’utiliser des missiles et lance-missiles balistiques fournis par la Corée du Nord dans sa guerre en Ukraine. Il s’agit d’une «escalade significative et inquiétante», avait déclaré le porte-parole au cours d’une conférence de presse. Il avait précisé que la Russie avait lancé au moins un missile nord-coréen le 30 décembre qui avait atterri dans un champ, dans la région de Zaporijia et que de «multiples» missiles balistiques avaient été lancés le 2 janvier sur l’Ukraine. «Nous nous attendons à ce que la Russie utilise d’autres missiles nord-coréens pour cibler l’infrastructure civile en Ukraine et pour tuer des civils ukrainiens innocents.»
Test de bombe nucléaire
John Kirby avait ajouté que les Etats-Unis soulèveraient la question auprès du Conseil de sécurité des Nations Unies et imposeraient des sanctions supplémentaires sur ceux qui facilitent les transferts d’armes. La Corée du Nord est soumise à un embargo sur les armes depuis qu’elle a procédé à un test de bombe nucléaire en 2006. Les résolutions votées par le Conseil de sécurité de l’ONU – dont la Russie – interdisent aux pays de faire commerce d’armes et autres équipements militaires avec la Corée du Nord.
En septembre 2023, le dictateur nord-coréen, Kim Jong-un, s’était rendu en visite en Russie où il avait rencontré le président russe, Vladimir Poutine, et discuté d’une potentielle coopération militaire. En novembre, les autorités sud-coréennes avaient affirmé que la Corée du Nord pourrait avoir fourni à la Russie des SRBM (missiles balistiques à courte portée) dans le cadre d’un accord de vente d’armes plus large.
Depuis trois jours, la Corée du Nord se livre également à des exercices d’artillerie avec des munitions réelles sur sa côte occidentale, près d’îles sud-coréennes dont la population civile a été appelée à se mettre à l’abri.