«Plus angoissés que jamais» : c’est la conclusion d’un rapport sur «l’expérience et la perception de l’antisémitisme par les Juifs», publié par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne jeudi 11 juillet. L’enquête, qui présente les conclusions de sondages menés de janvier à juin 2023 (soit avant le massacre du 7 octobre commis par le Hamas en Israël) auprès de 8 000 Juifs âgés de 16 ans ou plus et issus de 13 pays européens, dont la France, révèle que 96 % d’entre eux ont été confrontés à des actes antisémites au cours de l’année précédente. Ces actes sont définis comme des «agressions verbales et physiques, menaces, harcèlement, discrimination et inégalité de traitement ; les graffitis et dégâts matériels ; et les discours, textes, images et contenus audio ou vidéo abusifs». Le rapport souligne par ailleurs l’augmentation des propos et contenus antisémites sur Internet, en précisant que «90 % des personnes interrogées ont été confrontées à l’antisémitisme en ligne au cours de l’année précédant l’enquête». En dehors des réseaux sociaux, dans la vie «réelle», 56 % ont été confrontés à des marques d’antisémitisme de la part «d’amis, collègues ou connaissances».
Récemment, plusieurs affaires ont bouleversé nombre d’habitants des pays inclus dans l’enquête. Ainsi, en Pologne, le professeur Jan Grabowski donnait une conférence sur l’état de la recherche sur l’Holocauste des Juifs polonais, en juin 2023, quand il a été agressé par le député d’extrême droite Grzegorz Braun. Celui-ci est monté sur la tribune et a démoli le micro et les haut-parleurs, rapporte le quotidien Krytyka Polityczna. Quelques mois plus tard, l’élu polonais a vidé un extincteur sur un chandelier symbole du judaïsme. «Il s’agit d’une rupture des barrières psychologiques qui limitaient jusqu’alors les actions antisémites publiques», écrit Jan Grabowski. Au point de modifier les comportements d’une partie de la communauté : «76 % [des sondés] cachent leur identité juive, au moins occasionnellement, […] et 24 % évitent de publier des contenus qui permettraient de les identifier comme Juifs», affirme le rapport.
«80 % jugent que la situation s’est aggravée ces dernières années»
En France, qui compte plus la moitié de la population juive européenne, 74 % des personnes interrogées estiment que le conflit israélo-palestinien a un impact sur leur sentiment d’insécurité – qui a déjà le taux le plus élevé parmi les pays sondés. Et 60 % trouvent que les efforts de leur gouvernement pour combattre l’antisémitisme ne sont pas assez importants. En Hongrie, à l’inverse, 9 % des sondés affirment se sentir en insécurité. La présidente de l’Agence des droits fondamentaux, Sirpa Rautio, souligne que «80 % [des sondés] jugent que la situation s’est aggravée ces dernières années». Dans 4 % des cas, les répondants ont déclaré avoir subi des agressions physiques antisémites, contre 2 % en 2018. Ils ont été interrogés «avant les attaques du Hamas en octobre 2023 et la guerre à Gaza».
Malgré son impossibilité de reprendre les sondages après le début du conflit, étant donné que «la réalisation d’enquêtes complexes à grande échelle nécessite un temps et un budget considérables», l’agence européenne a contacté douze organisations communautaires juives pour obtenir quelques données supplémentaires. Certaines d’entre elles ont fait état d’une augmentation de plus de 400 % des actes antisémites. «Les retombées du conflit érodent des progrès durement acquis», déplore l’agence, alors que l’Union européenne avait instauré en 2021 sa première «stratégie européenne de lutte contre l’antisémitisme».