Mort d’Alexeï Navalny : les autorités vont conserver le corps 14 jours pour «expertise»

Ils n’ont toujours pas pu voir son corps. Les proches du défunt leader de l’opposition russe Alexeï Navalny se voient refuser l’accès à son cadavre depuis trois jours, a déclaré ce lundi 19 février son équipe, précisant que sa mère n’était «pas autorisée» à pénétrer dans une morgue où il pourrait être conservé. «La mère d’Alexeï et ses avocats sont arrivés à la morgue tôt ce matin. Ils n’ont pas été autorisés à entrer. L’un des avocats a littéralement été repoussé à l’extérieur. Lorsqu’on a demandé au personnel si le corps d’Alexeï était là, il n’a pas répondu», a déclaré sur les réseaux sociaux Kira Iarmich, porte-parole de Navalny.

En cause : la prolongation de l’enquête censée déterminer les causes de sa mort, notifiée ce matin par les enquêteurs. L’enquête est «en cours» et n’a pas permis d’arriver à des conclusions «pour le moment», a rapporté ce lundi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. «Dans ces circonstances, en l’absence d’informations, nous pensons qu’il n’est absolument pas permis de faire des déclarations aussi odieuses», a-t-il ajouté, alors que les pays occidentaux accusent le régime russe d’être responsable du décès d’Alexeï Navalny. L’équipe de l’opposant russe a affirmé lundi que les enquêteurs mèneraient pendant au moins 14 jours une «expertise» sur sa dépouille avant de la rendre. «Les enquêteurs ont dit aux avocats et à la mère d’Alexeï qu’ils ne rendront pas son corps sur lequel sera réalisé pendant 14 jours une soi-disante “expertise chimique”», a écrit sur X la porte-parole de Navalny, Kira Iarmich.

L’opposant russe et adversaire numéro un du président Vladimir Poutine est mort vendredi à 47 ans dans la prison de l’Arctique, dans la région de Iamal, où il purgeait une peine de 19 ans. Il était emprisonné depuis son retour en Russie début 2021 et sa santé s’était détériorée depuis des mois. Selon les services pénitentiaires russes (FSIN), Alexeï Navalny est mort vendredi après avoir eu un soudain malaise «après une promenade».

Ce lundi midi, sa veuve Ioulia Navalnaïa a accusé Vladimir Poutine d’avoir «tué» son mari dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux. «Il y a trois jours, Vladimir Poutine a tué mon mari, Alexeï Navalny. Poutine a tué le père de mes enfants», a-t-elle asséné, accusant le président russe d’avoir aussi «voulu tuer notre espoir, notre liberté, notre futur».

Trois jours après l’annonce de la mort du dissident, Ioulia Navalnaïa a aussi assuré qu’elle poursuivra «l’œuvre» de son mari. «Je poursuivrai l’œuvre d’Alexeï Navalny. Je continuerai pour notre pays, avec vous. Et je vous appelle tous à vous tenir près de moi […] Ce n’est pas une honte de faire peu, c’est une honte de ne rien faire, c’est une honte de se laisser effrayer», a-t-elle déclaré.

Sa notoriété avait poussé certains des partisans d’Alexeï Navalny à lui rêver un avenir politique, même avant que l’opposant et militant anticorruption ne soit derrière les barreaux. «Nous devons nous unir pour frapper d’un seul coup Poutine, ses amis, les voyous en épaulettes, les courtisans et les tueurs qui veulent paralyser notre pays», a-t-elle encore lancé.

En attendant, le flou demeure entier sur la mort d’Alexeï Navalny. «On ne sait pas combien de temps cela va durer. La cause du décès est toujours indéterminée. Ils mentent, jouent la montre et ne le cachent même pas», écrit ce lundi la porte-parole Kira Iarmich, sur X. Lioudmila Navalnaïa, la mère de l’opposant, s’est rendue dès samedi, avec un avocat, dans cette colonie pénitentiaire reculée. Ce dernier a été informé «qu’un nouvel examen histologique (avait) été effectué» et que les résultats «devraient être connus la semaine prochaine», a précisé le jour même Kira Iarmych. «Il est évident qu’ils mentent et font tout leur possible pour ne pas avoir à remettre le corps, a-t-elle ajouté. Ils ne veulent pas que la méthode qu’ils ont utilisée pour tuer Alexeï soit révélée au grand jour.»

Vladimir Poutine n’a fait aucun commentaire sur la mort de son opposant qui intervient un mois avant l’élection présidentielle, laquelle devrait voir le président russe se maintenir au pouvoir pour un nouveau mandat de six ans.

De son côté, Donald Trump – vivement critiqué par sa concurrente dans la course à l’investiture républicaine Nikki Haley pour ne pas avoir réagi à la mort de l’opposant russe – est finalement sorti du silence dimanche. Sur son réseau «Truth Social», l’ancien président américain a une nouvelle fois misé sur la provocation en se comparant à Alexeï Navalny. Publiant sobrement «Biden : Trump ::Putin : Navalny», il a ensuite expliqué dans un texte que les Démocrates continuaient de s’en prendre à lui comme le Kremlin s’en est pris à Navalny.

Evoquant aussi les réactions de Joe Biden après la mort du dissident, Donald Trump en a profité pour tacler son adversaire, assurant que son administration et ses alliés ont critiqué Poutine tandis qu’ils lui font subir «les mêmes choses» depuis trois ans. Des affirmations qui peuvent étonner, alors que Trump n’a pas toujours été le plus virulent critique du Kremlin. Quelques jours plus tôt, l’ancien président américain avait menacé, en cas de réélection, de ne plus garantir la protection de l’Otan face à la Russie. Ce lundi, le locataire actuel de la Maison Blanche Joe Biden a en tout cas dit lundi «envisager» des sanctions supplémentaires contre la Russie de son homologue Vladimir Poutine, trois jours après la mort de l’opposant Alexeï Navalny.

Mis à jour : à 11 h 14 avec l’enquête toujours en cours.

Mis à jour : à 11 h 50 avec la réaction de Donald Trump.

Mis à jour : à 12 h 30 avec les déclarations de Ioulia Navalnaïa.

Mis à jour : à 17 h 16 avec l’annonce de l’expertise du corps pendant 14 jours.