«En politique comme dans la vie, le pardon est plus puissant que la rancœur». C’est par ces mots que le chef du gouvernement espagnol, Pedro Sánchez, a salué le vote des députés espagnols ce jeudi 30 mai. Les élus ont définitivement adopté une loi d’amnistie en faveur des indépendantistes catalans. Une mesure phare du gouvernement de gauche de mais très controversée puisqu’elle permettra le retour des séparatistes en exil depuis leur tentative de sécession de 2017.
Au terme d’une ultime session très tendue de deux heures, marquée par des insultes, la loi d’amnistie a été approuvée par 177 voix contre 172, la majorité absolue étant de 176. Ce vote du Congrès des députés, où le Premier ministre Pedro Sánchez dispose de la majorité absolue grâce à l’appui des deux partis indépendantistes catalans, est l’aboutissement d’une longue bataille qui a dominé et radicalisé la vie politique espagnole depuis les élections de juillet 2023.
Analyse
Les députés avaient déjà adopté le projet de loi d’amnistie le 14 mars, mais le Sénat, contrôlé par l’opposition de droite, y avait mis son veto deux mois plus tard, renvoyant le texte à la chambre basse, qui a donc eu le dernier mot ce jeudi. Le Parti populaire (PP), principale formation d’opposition, et le parti d’extrême droite Vox ont livré un dernier baroud d’honneur avant le vote, dénonçant une «corruption politique». Pour leur part, les deux partis indépendantistes catalans ont averti que cette amnistie n’était pas la fin de leur combat pour l’indépendance, mais une simple étape.
Ce vote est «une bataille dans le conflit qui existe depuis des siècles entre les deux nations», la catalane et l’espagnole, a déclaré la porte-parole du parti de l’indépendantiste Carles Puigdemont (Ensemble pour la Catalogne), qui évoque «un jour historique». Son homologue de Gauche républicaine de Catalogne (ERC), l’autre parti indépendantiste catalan, a averti que le «prochain arrêt» sur la voie menant à l’indépendance était l’organisation d’un référendum.
«L’Espagne est aujourd’hui plus prospère et plus unie»
Selon le Premier ministre Pedro Sánchez, l’amnistie a pour but de mettre fin à l’instabilité née de la tentative avortée de la Catalogne, région du nord-est de l’Espagne, de proclamer unilatéralement son indépendance en octobre 2017, lorsque le gouvernement régional était dirigé par Carles Puigdemont, qui vit depuis en exil. «L’Espagne est aujourd’hui plus prospère et plus unie qu’en 2017», s’est réjoui le chef du gouvernement sur le réseau social X. , a-t-il ajouté.
Le gouvernement régional de Carles Puigdemont avait organisé, le 1er octobre 2017, un référendum d’autodétermination, malgré son interdiction par la justice. Près d’un mois plus tard, le parlement local déclarait unilatéralement l’indépendance de la région, entraînant immédiatement sa mise sous tutelle par le gouvernement espagnol et la révocation du gouvernement local. Les principaux dirigeants séparatistes avaient alors été incarcérés ou avaient fui à l’étranger. Ces évènements avaient été l’une des pires crises vécues par l’Espagne depuis son retour à la démocratie après la fin de la dictature franquiste en 1975.
Soutien des 14 députés indépendantistes
Mais cette mesure d’amnistie, qui doit bénéficier à environ 400 personnes, permettra à Pedro Sánchez d’être reconduit au pouvoir en novembre. En effet, les deux partis indépendantistes catalans ont exigé l’amnistie en contrepartie du soutien de leurs 14 députés, sans lequel Pedro Sánchez n’avait aucune chance de rester Premier ministre, alors même que celui-ci s’y refusait lors de la dernière campagne électorale de juillet.
Depuis lors, le PP est vent debout contre une loi jugée «inconstitutionnelle». «Vous avez menti aux Espagnols, parce que vous aviez promis de ne pas le faire !», a lancé ce jeudi le leader du PP, Alberto Núñez Feijóo. «Vous allez amnistier vos partenaires d’investiture simplement pour rester au pouvoir», a pour sa part affirmé le leader de Vox, Santiago Abascal, accusant aussi le Premier ministre de vouloir détourner l’attention du public de «la corruption» et lui reprochant également la récente reconnaissance de l’Etat de Palestine.
Le ministre de la Justice, Félix Bolaños, a affirmé que la loi serait promulguée dans «les prochains jours», les tribunaux auront ensuite deux mois maximum pour l’appliquer.