«Navalny est le héros de la Russie». Devant l’ambassade russe à Washington, plusieurs dizaines de personnes se sont rassemblées vendredi soir pour rendre hommage à l’opposant russe, mort dans la matinée en Russie. Une petite pancarte en carton installée sous les grilles de l’imposant bâtiment affiche «Poutine a tué Navalny, mais il ne peut pas être réduit au silence». Elle est recouverte de fleurs et entourée de bougies déposées par les manifestants. La pancarte devient très vite inaccessible, protégée par un ruban jaune de la police qui tente tant bien que mal de consigner les manifestants sur le bout de trottoir qui fait face à l’ambassade. Dans la foule, dont la grande majorité est d’origine russe, on ne cache pas son visage rougi par les larmes, ni son dégoût pour Vladimir Poutine. «Alexeï Navalny était un symbole, il représentait la possibilité qu’un jour, la Russie soit une démocratie», souffle Artemis Politovskii, Russe arrivé aux Etats-Unis il y a tout juste un an. «Aujourd’hui, cet espoir est mort avec lui», ajoute le grand brun entièrement habillé de noir, son sac à dos orné d’un pin’s de Navalny. «C’est facile pour nous de garder espoir, nous sommes ici, aux Etats-Unis, commence Iulia Yannaii, Moscovite arrivée il y a 25 ans sur le territoire américain. Les Russes sont là-bas, alors que le pays entier est devenu un goulag».
Portrait
Pendant que les manifestants scandent «une Russie sans Poutine», un projecteur diffuse des messages à grosses lettres sur l’ambassade. «Assassins», «Honte à Poutine» ou tout simplement «Navalny» s’affichent à tour de rôle. Un peu à l’écart des grandes banderoles et du micro, Kirill (qui n’a pas souhaité donner son nom de famille) peine à suivre les slogans criés, pris par l’émotion. «C’est trop difficile, chuchote-t-il presque. En 2019, j’ai travaillé pour lui, pour Navalny», explique-t-il, ponctuant ses phrases de pauses pour empêcher les larmes de couler. Kirill était engagé par la FBK, la Fondation anticorruption fondée par l’opposant. Dès qu’il en avait l’occasion, il participait aux manifestations que l’avocat organisait. Mais l’année dernière, le jeune homme de 27 ans a décidé de fuir le pays et la mobilisation imposée par les autorités pour mener la guerre en Ukraine. «C’est devenu trop dangereux de rester dans ce pays».
«J’espère sincèrement que Biden va agir, comme il l’avait promis en 2021», lâche de son côté Kristina Rastaturina, danseuse classique russe arrivée aux Etats-Unis en 2014, tout en avouant «ne pas trop y croire». En 2021, alors que Navalny était jeté derrière les barreaux le jour de son retour en Russie après son empoisonnement, le président américain avait averti Vladimir Poutine de conséquences «dévastatrices» si l’opposant venait à mourir en prison. Dans une prise de parole vendredi, Joe Biden a bien accusé «Poutine et ses brutes» d’être derrière la mort de l’avocat emprisonné depuis plus de trois ans. Il a toutefois admis qu’il serait compliqué d’infliger davantage de sanctions à la Russie qu’elle n’en a déjà.