Vers un nouveau dossier brûlant entre l’Iran et les Etats-Unis ? A côté du volet nucléaire, c’est le sort de l’Albanie, victime d’une série de cyberattaque durant l’été, qui attise les tensions entre les deux pays. Ce mercredi 7 septembre, Tirana a annoncé dans la matinée avoir rompu ses relations diplomatiques avec l’Iran, qu’elle tient pour responsable du piratage informatique. Washington a également fait part de sa volonté de prendre des sanctions à l’encontre de la République islamique.
«Un groupe cyberterroriste notoire»
Pour annoncer la rupture diplomatique avec Téhéran, le Premier ministre albanais a publié une vidéo sur le site du gouvernement. «Le conseil des ministres a décidé la rupture des relations diplomatiques avec la République islamique d’Iran avec effet immédiat», pose Edi Rama. Il y accuse l’Iran d’être à l’origine de la «lourde» cyberattaque survenue le 15 juillet dernier, «visant l’infrastructure numérique du gouvernement de la République d’Albanie dans le but de la détruire, de paralyser les services publics et de pirater les données et les communications électroniques des systèmes gouvernementaux».
«Une enquête approfondie nous a fourni la preuve indiscutable» que l’attaque avait été «orchestrée et sponsorisée» par Téhéran, précise le Premier ministre. D’après lui, cette mission aurait été perpétrée par l’intermédiaire de quatre groupes, «l’un d’eux étant un groupe cyberterroriste international notoire, qui a été l’auteur ou le coauteur de cyberattaques antérieures visant Israël, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, la Jordanie, le Koweït et Chypre», ajoute le Premier ministre dans un communiqué. La République islamique est soupçonnée d’être passée à l’offensive depuis quelques années, devant une sorte de laboratoire de la cyberguerre.
Prime Minister of Albania @ediramaal announces the severing of all diplomatic ties with Iran and announces that Iran’s diplomats must depart the country within 24 hours as a response to an Iranian cyber-attack on Albanian government systems. pic.twitter.com/4aibJdal2U
— Mohammed Alyahya محمد اليحيى (@7yhy) September 7, 2022
Pour Edi Rama, la rupture des relations diplomatiques avec Téhéran est une réponse «extrême non souhaitée» mais «pleinement proportionnée à la gravité et au risque de la cyberattaque qui menaçait de paralyser les services publics, d’effacer les systèmes numériques et de pirater les archives de l’État, de voler les communications électroniques de l’intranet du gouvernement et de semer le chaos et l’insécurité dans le pays». Une notification officielle de l’Etat albanais a été envoyée à l’ambassade d’Iran à Tirana. Les autorités du petit pays des Balkans exigent que l’ensemble de son personnel diplomatique, technique, administratif et de sécurité quitte le territoire sous 24 heures.
«Un précédent inquiétant» selon Washington
Côté américain, la suite ne s’est pas fait attendre. Les Etats-Unis ont annoncé en début d’après midi par un communiqué publié sur le site de la Maison Blanche leur volonté de «prendre des mesures supplémentaires de manière que l’Iran rende des comptes». «Les Etats-Unis condamnent sévèrement la cyberattaque de l’Iran contre notre allié de l’Otan, l’Albanie», écrit la porte-parole du Conseil de sécurité nationale Adrienne Watson. Aux côtés de l’Albanie, les enquêteurs américains ont également conclu de la responsabilité de l’Iran dans ce raid. «Pendant des semaines, le gouvernement américain a travaillé sur le terrain aux côtés de partenaires du secteur privé pour soutenir les efforts de l’Albanie pour atténuer, récupérer et enquêter sur la cyberattaque du 15 juillet qui a détruit des données gouvernementales et perturbé les services gouvernementaux au public, détaille le communiqué. Nous avons conclu que le gouvernement iranien a mené cette cyberattaque imprudente et irresponsable et qu’il est responsable des opérations de piratage et de fuite qui ont suivi».
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Cette attaque «crée un précédent inquiétant», selon Adrienne Watson, qui rappelle que «le comportement de l’Iran enfreint les règles qui gouvernent le comportement d’un Etat responsable dans le cyberespace en temps de paix». La réaction cinglante des Etats-Unis intervient alors que les négociations pour sauver l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien patinent. Vendredi 2 septembre, Washington a par ailleurs douché les espoirs d’une conclusion rapide des discussions en qualifiant récemment de «pas constructive» la réponse de Téhéran à un texte mis au point par l’Union européenne, coordinatrice des pourparlers.
Pourquoi l’Albanie aurait pu être ciblée
On pourrait se demander pourquoi l’Iran pourrait avoir une attitude agressive envers l’Albanie, un pays a priori éloigné des enjeux géopolitiques de Téhéran. Il y a pourtant une pierre de discorde entre les deux pays. Depuis 2013, l’Albanie accueille sur son sol, à la demande de Washington et de l’ONU, des membres de l’Organisation des moudjahidines du peuple d’Iran (OMPI), mouvement en exil interdit en Iran et opposants farouches au régime iranien.
Les moudjahidines organisent régulièrement des sommets dans la cité qu’ils ont construite non loin de Tirana, appelée Ashraf 3 et qui accueille environ 3 000 personnes. Mais cette année, la rencontre prévue en juillet avait été reportée par l’OMPI «pour des raisons de sécurité» non spécifiées. Le sommet a été repoussé «sur recommandation du gouvernement albanais pour des raisons de sécurité, et en raison de menaces et conspirations terroristes», avait déclaré l’OMPI. Un mois auparavant, l’ancien vice-président américain Mike Pence avait été accueilli dans cette cité flambant neuve, créée ex nihilo.
Ce n’est pas la première fois que Tirana a maille à partir avec l’Iran. Depuis décembre 2018, quatre diplomates iraniens à Tirana, dont l’ambassadeur, ont été expulsés par l’Albanie, accusés «d’activités nuisant à la sécurité nationale». Les opposants iraniens les avaient pour leur part accusés d’être des «agents des services secrets iraniens mettant en danger leur vie en Albanie». Pour l’heure, Téhéran n’a pas répondu aux accusations albanaises.