Gintautas Paluckas n’aura pas tenu longtemps. Le Premier ministre lituanien a remis sa démission ce jeudi 31 juillet, après seulement sept mois au pouvoir. Le social-démocrate, dont le parti avait remporté les législatives à l’automne sur la promesse de lutter contre les inégalités, a été vaincu par une accumulation de scandales et une valse de gros sous.
Ses ennuis ont commencé le 28 mai quand la chaîne Laisves TV et le centre de journalisme d’investigation Siena ont diffusé une enquête sur son entreprise Garnis. La société spécialiste en batteries, fondée par le Premier ministre et un de ses partenaires de business en 2024, a reçu 200 000 euros de prêt à taux avantageux de la banque nationale de développement Ilte quand Paluckas était déjà en fonction. Il ne s’était pas récusé des décisions prises par son gouvernement, affectant directement Ilte et la portée de ses programmes de prêts, créant un conflit d’intérêts potentiel. Alors que Paluckas continue d’affirmer sa bonne foi, le service d’investigation des crimes financiers (FNTT) s’est saisi du dossier.
Les révélations ont ensuite volé en escadrilles. Les mêmes médias, bientôt épaulés par d’autres, ont découvert qu’en 2018, alors maire adjoint de Vilnius, Paluckas avait soutenu la décision d’acheter pour 6 millions d’euros le palais des syndicats, édifice soviétique en ruine, propriété de l’homme d’affaires Darijus Vilcinskas. Ses collègues de la municipalité ne savaient pas que les deux hommes étaient amis, et que Paluckas n’avait jamais remboursé une dette de 180 000 euros au businessman, contractée pour lancer une autre société.
«L’affaire des rats»
Le coup de grâce est venu ce jeudi matin quand des agents du FNTT ont perquisitionné les locaux de la société Dankora. Cette entreprise n’appartient pas à Paluckas, mais à sa belle-sœur. Elle a récemment reçu 173 000 euros de fonds européens, utilisés en quasi-totalité pour acheter des batteries à Garnis, l’entreprise du Premier ministre. A l’annonce de cette perquisition, Paluckas a appelé le Président pour lui remettre sa démission. «Je suis conscient de la manière dont les scandales entravent le travail du gouvernement et je ne veux pas rendre notre coalition otage de ces affaires. C’est pourquoi j’ai pris une décision rapide», a-t-il expliqué, tout en réfutant avoir commis une quelconque erreur dans l’exercice de ses fonctions.
La carrière du désormais ex-Premier ministre est parcourue de scandales. En 2010, alors directeur de l’administration de Vilnius et étoile montante du Parti social-démocrate, il avait été condamné pour abus de pouvoir dans «l’affaire des rats». Chargé de passer en revue l’appel d’offres pour la campagne de dératisation municipale, il avait favorisé la compagnie la plus chère. Initialement condamné à deux ans de prison, sa peine avait été suspendue. Mais la presse lituanienne a révélé au début du mois qu’il n’avait pas payé la totalité de son amende.
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Malgré Paluckas et ses casseroles, la coalition gouvernementale devrait en théorie se maintenir au pouvoir. Mais Remigijus Zemaitaitis, chef de file du parti populiste Aube du Niémen – qui participe à la coalition gouvernementale avec le parti de centre gauche Au nom de la Lituanie –, a semé le doute sur la poursuite de la coalition. L’homme, connu pour ses déclarations antisémites, veut attendre de savoir qui sera nommé par les sociaux-démocrates en remplacement de Paluckas. A ses yeux, le Premier ministre n’aurait pas dû démissionner, face à une situation qu’il décrit comme «un coup d’Etat», un «complot» mené par des agents économiques écartés des contrats publics par le gouvernement.