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«Loi Poutine» en Géorgie : la présidente oppose son véto et appelle Macron à la rescousse

Après avoir opposé un véto symbolique au texte controversé sur l’«influence étrangère», Salomé Zourabichvili exhorte le président français à se rendre à Tbilissi pour peser sur le gouvernement pro-russe de son pays.
Salomé Zourabichvili à Tbilissi, jeudi. (Shakh Aivazov/AP)
publié le 19 mai 2024 à 14h38

Salomé Zourabichvili abat ses cartes. La pro-européenne présidente géorgienne, en conflit ouvert avec le gouvernement, a annoncé samedi 19 mai avoir mis son veto à la loi controversée sur l’«influence étrangère», qui a suscité des protestations de masse dans ce pays du Caucase. Dans la foulée, elle a exhorté Emmanuel Macron de venir à Tbilissi pour «sortir définitivement le Caucase […] de l’influence russe».

«Qu’ils viennent !», a-t-elle réclamé dans une interview à La Tribune Dimanche, en évoquant les dirigeants de l’Union européenne. «Emmanuel Macron m’a promis pratiquement depuis mon élection, en 2018, qu’il viendrait. Il faut qu’il le fasse avant le début de la campagne électorale (des législatives géorgiennes, ndlr) en septembre», a estimé la présidente. «Que la France ne soit pas présente, c’est une aberration. Je le dis en termes très clairs. J’ai écrit au président Macron, je l’attends pour la fête de l’indépendance de la Géorgie, le 26 mai», a précisé Salomé Zourabichvili, qui est une ancienne diplomate française.

«Je suis en quelque sorte la voix de cette société qui dit non à cette loi»

En réponse, le président français a publié ce dimanche un court communiqué cosigné avec le chancelier allemand Olaf Scholz. «Nos deux pays ont été de fervents défenseurs de la voie européenne de la Géorgie et ont activement soutenu la décision du Conseil européen d’accorder le statut de candidat à la Géorgie en décembre 2023, énonce le texte. C’est avec un profond regret que nous prenons note de la décision du gouvernement géorgien et du parti au pouvoir de s’écarter de cette voie en agissant à l’encontre de nos valeurs européennes communes et des aspirations du peuple géorgien, notamment par l’adoption de la loi dite “sur la transparence de l’influence étrangère”».

Les deux chefs d’État européens concluent en assénant que «la voie européenne de la Géorgie a été tracée, mais la vitesse et la direction de la progression dépendent de la Géorgie». Manière de mettre le processus d’adhésion à l’Union européenne dans la balance d’un retrait du projet de loi controversé. De quoi faire fléchir le gouvernement géorgien ? Pas sûr. En ce qui concerne le véto présidentiel, en tout cas, le parti au pouvoir Rêve géorgien, à l’origine de la loi, assure avoir assez de voix au Parlement pour passer outre.

Salomé Zourabichvili elle-même reconnaît que son véto «ne changera rien. Néanmoins, il est très important. […] Je suis en quelque sorte la voix de cette société qui dit non à cette loi», a-t-elle justifié. «La loi va être adoptée […]. On ne peut pas continuer à manifester, dit-elle encore. Prenons acte et passons à la phase suivante. Dans une démocratie, c’est dans les urnes que l’avenir doit se décider.»

Une loi à l’inspiration russe

Charles Michel, le président du Conseil européen, veut, lui, encore y croire, estimant que le véto présidentiel offre un «moment de réflexion plus approfondie». «J’appelle tous les hommes politiques et dirigeants géorgiens à faire bon usage de cette fenêtre d’opportunité et à garantir que la Géorgie reste sur la voie européenne soutenue par la population», a-t-il déclaré sur X.

Adopté mardi par le Parlement, le texte est dénoncé par ses détracteurs comme visant à détourner la Géorgie de l’Europe pour l’entraîner vers la Russie. Il a provoqué des manifestations de masse qui durent depuis plus d’un mois dans le pays, avec des milliers de personnes - essentiellement des jeunes - descendant dans la rue en signe de protestation. L’Otan, la Commission européenne et l’ONU ont condamné cette initiative du gouvernement géorgien.

La loi impose à toute ONG ou à tout média recevant plus de 20 % de son financement de l’étranger de s’enregistrer en tant qu’«organisation poursuivant les intérêts d’une puissance étrangère» et de se soumettre à un contrôle administratif. Ses détracteurs l’ont surnommé «loi russe» en raison de sa similitude avec une législation votée en Russie pour réprimer l’opposition.