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Libération
Bosnie-Herzégovine

L’ONU crée une Journée de commémoration du génocide de Srebrenica, fustigée par les Serbes

La résolution, décriée par les nationalistes serbes, a recueilli ce jeudi 23 mai 84 votes pour, 19 contre et 68 abstentions.
Le président serbe Aleksandar Vucic montre le drapeau de la Serbie aux délégués après avoir voté à l'Assemblée générale des Nations Unies sur la création d'une Journée internationale pour commémorer le génocide de Srebrenica, le 23 mai 2024. (Eduardo Munoz/Reuters)
publié le 23 mai 2024 à 21h24

L’Assemblée générale de l’ONU a créé ce jeudi 23 mai une Journée internationale de commémoration du génocide de Srebrenica, en Bosnie-Herzégovine, malgré la colère de Belgrade et du chef des Serbes de Bosnie, qui refusent toujours de le reconnaître. La résolution, préparée par l’Allemagne et le Rwanda, deux pays marqués par d’autres génocides du XXe siècle, a recueilli 84 votes pour, 19 contre et 68 abstentions.

«Cette résolution cherche à encourager la réconciliation, aujourd’hui et pour l’avenir», a justifié l’ambassadrice allemande Ante Leendertse, insistant sur le rôle de l’ONU pour assurer que les crimes du passé ne se répètent pas. Ce vote est, «pour les survivants, encore une preuve que nous ne sommes pas seuls dans notre mission pour préserver la vérité», a souligné à Srebrenica Almasa Salihovic, porte-parole du Centre mémorial de la ville. «Nous devons envoyer ce message que nous pouvons vivre ensemble, mais nous devons parfois accepter les côtés les plus amers de l’Histoire, à savoir qu’un génocide a été commis au nom d’un peuple contre un autre peuple. Il faut accepter ça pour que cette société puisse guérir», a-t-elle insisté.

Le 11 juillet 1995, quelques mois avant la fin du conflit intercommunautaire qui faisait rage en Bosnie depuis trois ans, les forces serbes de Bosnie commandées par le général Ratko Mladic prenaient la ville de Srebrenica. Les jours suivants, environ 8 000 hommes et adolescents musulmans étaient exécutés. Le massacre, pire tuerie perpétrée en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, a été qualifié de génocide par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et la Cour internationale de Justice (CIJ). Il s’agit donc d’un «fait» incontestable, appuient les soutiens de la résolution.

Qui reste pourtant contesté. «Il n’y a pas eu de génocide», a ainsi martelé ce jeudi depuis Srebrenica le chef des Serbes de Bosnie, Milorad Dodik, prévenant par avance la communauté internationale qu’il rejetterait la résolution. «Nous vous disons tout de suite que nous ne l’accepterons pas. Ce ne sera pas inclus dans les programmes scolaires et nous ne commémorerons pas le 11 juillet.»

Un rempart au «révisionnisme persistant»

A un an du 30e anniversaire du massacre, la résolution proclame donc le 11 juillet «Journée internationale de réflexion et de commémoration du génocide commis à Srebrenica en 1995». Le texte condamne également «sans réserve toute négation de l’historicité du génocide commis à Srebrenica» et «les actes qui glorifient les personnes ayant été reconnues coupables» de ces crimes. Cette résolution est «d’autant plus importante compte tenu du révisionnisme persistant […] et des discours de haine» de certains responsables politiques dans la région, a commenté le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, Volker Türk.

Le président serbe, Aleksandar Vucic, qui a fait le déplacement à New York, a dénoncé une résolution «hautement politique». Elle «va ouvrir de vieilles blessures et provoquer des ravages politiques, pas seulement dans notre région, mais aussi ici», à l’ONU, a-t-il lancé, assurant qu’il rendait hommage à «toutes les victimes des conflits en Bosnie, Serbes et Bosniaques». Les auteurs du texte voulaient «stigmatiser le peuple serbe, ils n’ont pas réussi, ils ne réussiront jamais», a-t-il ajouté, enveloppé dans le drapeau serbe, mettant en cause la légitimité d’un vote ayant recueilli moins de voix favorables que le total des voix contre et des abstentions.

Si tous les pays de l’ex-Yougoslavie, à l’exception de la Serbie, ont voté pour, de nombreux pays en Afrique, en Asie ou en Amérique latine se sont abstenus. L’Union européenne a quant à elle exposé ses divisions, la Hongrie votant contre, et plusieurs de ses membres s’abstenant, comme la Grèce, Chypre, ou la Slovaquie. Dans ce contexte tendu, l’UE avait souligné avant le vote que «quiconque tente de remettre en question [le génocide de Srebrenica] n’a pas sa place en Europe».