La répression ne faiblit pas au Bélarus. Svetlana Tikhanovskaïa, la principale opposante au régime en place, a refusé de comparaître devant la justice de son pays. Tikhanovskaïa va suivre de loin son procès – au côté de ses quatre alliés Maria Moroz, Pavel Latouchko, Olga Kovalkova et Sergueï Dylevski – qui s’est ouvert mardi à Minsk et va durer plusieurs semaines. Celle qui se considère comme la présidente légitime du Bélarus est poursuivie par le régime de Loukachenko pour dix chefs d’inculpation, dont «haute trahison», «complot pour s’emparer du pouvoir» ou encore «création et conduite d’une organisation extrémiste». Depuis Davos, en Suisse, où se tient actuellement le Forum économique mondial, l’opposante s’exprime et qualifie «ce simulacre de procès comme une vengeance personnelle de Loukachenko et ses acolytes, pas seulement contre moi mais aussi contre ses autres opposants».
The trial against me starts today in Minsk. I am charged with 10+ crimes. Does it change anything for me? Nothing. It is just the revenge of a pathetic dictator who lost power & tries to take revenge on all who stood up for freedom. Belarus needs real justice, not a puppet show. pic.twitter.com/6K5Au4opBU
— Sviatlana Tsikhanouskaya (@Tsihanouskaya) January 17, 2023
Représentée par un avocat commis d’office, «qu’elle n’a jamais rencontré», précise son conseiller Franak Viacorka, Svetlana Tikhanovskaïa n’a pas tellement pu préparer son procès, dont elle n’a appris l’existence que très récemment, via les médias. «Il ne s’agit donc pas d’un procès, mais d’un spectacle, d’un théâtre, d’un cirque, où le régime joue le rôle de juge et de procureur à la fois.»
«L’ennemie numéro 1 du régime de Loukachenko»
Svetlana Tikhanovskaïa est entrée en politique par hasard. En 2020, son mari Sergueï Tikhanovski, un virulent opposant à l’autocratique et indéboulonnable Alexandre Loukachenko, est emprisonné à l’orée de l’élection présidentielle. Cette arrestation conduit Svetlana Tikhanovskaïa à se porter candidate à son tour pour tenter de renverser le régime. En vain. La réélection frauduleuse de Loukachenko – selon les décomptes non officiels, Svetlana Tikhanovskaïa aurait remporté le scrutin – avait poussé les manifestants à descendre dans la rue. Cette élection, décriée par de nombreux pays, n’est pas reconnue par l’Union européenne. Contrainte de fuir sous la pression des autorités, l’opposante s’est exilée dès le lendemain en Lituanie. Elle risque jusqu’à vingt ans de réclusion. Son mari a quant à lui été condamné en décembre 2021 à dix-huit ans d’emprisonnement pour «organisation de troubles massifs», «incitation à la haine dans la société», «trouble à l’ordre public» et «obstruction à la Commission électorale».
Bien que la contestation ait été noyée dans le sang et la plupart des opposants sont soit en prison, soit en exil, le régime de Loukachenko continue les persécutions. Selon le centre Viasna, ONG qui défend les droits humains au Bélarus, le pays compte plus de 1 440 prisonniers politiques. Pour Franak Viacorka, le régime de Loukachenko ne peut exister que grâce à l’intimidation. «Il n’a pas d’autre choix que d’intensifier cette répression, par des procès, des arrestations en masse, des perquisitions. Dix-sept personnes par jour ont été arrêtées en 2022, en utilisant différents prétextes.» Ces procès sont pour lui le moyen de rendre illégitime ses opposants, en les destituant de leur nationalité et en les privant de leurs biens. «Svetlana Tikhanovskaïa est consciente des risques qu’elle encoure. Elle est actuellement l’ennemie numéro 1 du régime de Loukachenko. Il la pourchassera toujours. Ce procès n’est qu’un message supplémentaire de Loukachenko, pour lui montrer qu’il ne lui pardonnera jamais. Il est jaloux qu’elle soit devenue la représentante du Bélarus aux yeux du peuple et de la communauté internationale.»
«Une imitation de la machine stalinienne»
D’autres actions en justice sont en cours, notamment contre le journaliste Andrzej Poczobut, figure de la minorité polonaise du pays, depuis lundi, mais aussi le Prix Nobel de la paix et fondateur de l’ONG Viasna, Alès Bialiatski, depuis le 9 janvier. «Aujourd’hui, notre machine politique est une imitation de la machine stalinienne : on peut vous poursuivre, vous torturer, vous humilier. Certaines personnes risquent leur vie. […] On est face au régime le plus cruel d’Europe, du monde, dont les services secrets prennent encore le nom de KGB», déplore le conseiller de Svetlana Tikhanovskaïa.
Ces procès se déroulent sur fond de guerre et d’incertitude. Le Bélarus, allié de la Russie, est poussé par le Kremlin à prendre part à l’offensive contre l’Ukraine. Des exercices défensifs aériens conjoints se tiennent depuis lundi, et jusqu’au 1er février, dans le ciel bélarusse. «Le principal objectif de cet exercice est de renforcer la compatibilité opérationnelle» entre les deux armées, a indiqué le ministère bélarusse de la Défense, lundi, dans un communiqué.