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Libération
Crise migratoire

Loukachenko menace de couper le gaz à l’Europe, un coup de bluff pour la cheffe de l’opposition bélarusse

Migrants, réfugiés... face à l'exodedossier
Quelques milliers de migrants, originaires principalement du Proche-Orient, sont pris en étau dans cette crise diplomatique entre le Bélarus et l’UE. Pour Svetlana Tikhanovskaya, ils «sont les otages» du régime bélarusse.
Le président bélarusse Alexandre Loukachenko, lors d'une réunion de son cabinet à Minsk, le 11 novembre. (Nikolay Petrov/AP)
publié le 11 novembre 2021 à 19h43

Le président bélarusse Alexandre Loukachenko persiste dans la surenchère. Le chef d’Etat a menacé, ce jeudi, de couper les livraisons de gaz russe transitant par son pays vers l’Union européenne en cas de nouvelles sanctions, alors qu’il est accusé de fomenter une crise migratoire à sa frontière avec la Pologne. La cheffe de l’opposition bélarusse Svetlana Tikhanovskaïa, réfugiée à l’étranger depuis un an, a dans la foulée qualifié de «bluff» la menace de Loukachenko.

«Ce serait plus dommageable pour lui, pour le Bélarus, que pour l’Union européenne et je peux supposer que c’est du bluff», a-t-elle déclaré à l’AFP lors d’une interview à Berlin, ajoutant ne plus croire à une résolution de la crise par voie diplomatique. «Je ne la prendrais pas au sérieux [sa menace], car il y a aussi un intérêt russe dans cette affaire», a-t-elle estimé après avoir assisté à un discours sur le sujet du ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas devant le Bundestag.

Ce dernier avait estimé qu’il était «grand temps» de tirer les conséquences des actions du Bélarus, accusé d’entretenir une crise migratoire à sa frontière avec la Pologne, et que l’UE allait dès la semaine prochaine «étendre et renforcer ses sanctions contre le régime de Loukachenko». En représailles aux propos du ministre allemand des Affaires étrangères, le président bélarusse a donc affirmé jeudi que son pays répondrait à toute nouvelle sanction européenne, en menaçant notamment d’interrompre les livraisons du gazoduc Yamal-Europe qui achemine du gaz russe en Allemagne et en Pologne, en passant par le Bélarus.

«Les migrants sont les otages de ce régime»

Lors d’un nouvel entretien téléphonique jeudi avec la chancelière allemande Angela Merkel, le second en deux jours, le président russe Vladimir Poutine avait appelé l’Union européenne à rétablir les contacts avec le Bélarus pour désamorcer la crise. Mais Svetlana Tikhanovskaya a demandé ce jeudi à l’UE de rester ferme. «Nous sommes reconnaissants envers la position des pays européens de ne pas communiquer avec une personne sans légitimité dans le pays, avec un criminel qui a commis tant de tortures au Bélarus», a-t-elle affirmé. La réélection il y a plus d’un an du président Loukachenkon, entâchée de fraude, avait été contestée pendant des semaines lors de manifestations sévèrement réprimées.

Pour Svetlana Tikhanovskaya, «les migrants sont les otages de ce régime» qui les considère comme « de la chair à canon». Elle plaide pour une intervention des ONG pour venir en aide aux «personnes les plus vulnérables». Cependant, la cheffe de l’opposition bélarusse en exill a estimé que la voie diplomatique n’était plus suffisante car «ce régime ne comprend que la force du pouvoir». «Les sanctions sont peut-être le seul levier dont dispose l’Union européenne pour faire changer le comportement de Loukachenko», a-t-elle dit. Elles devraient, selon elle, toucher en premier lieu les «organisations et les entreprises d’État qui ont été nationalisées» par le président Loukachenko.

L’opposante appelle également les pays européens à échanger avec les pays d’origine de ces migrants, notamment l’Irak, pour qu’ils empêchent leurs nationaux de rejoindre le Bélarus. «Cela peut être un moyen de sortir de la situation, de ne pas communiquer avec le régime illégal» de Minsk, a-t-elle plaidé. La France a, de son coté, accusé le régime d’Alexandre Loukachenko de chercher à «déstabiliser» l’Union européenne en organisant un «trafic de migrants». 3000 à 4000 migrants erraient ce lundi dans des températures glaciales le long de la frontière entre la Pologne et le Bélarus. Il s’agit principalement de Kurdes venus du Moyen-Orient. Ce sont les premières victimes de cette crise diplomatique. Face à l’afflux de migrants, la Pologne a déployé 15 000 militaires, érigé une clôture surmontée de fil de fer barbelé et approuvé la construction d’un mur à la frontière. Varsovie a enregistré depuis août plus de 32 000 tentatives d’intrusion sur son territoire, dont 17 300 en octobre. Redoutant d’être entraîné dans la crise, l’Ukraine, pays voisin du Bélarus, a annoncé jeudi le déploiement de 8 500 militaires supplémentaires à la frontière.