A l’heure où le Premier ministre français en appelle à la rigueur, la présidente de la Commission de l’UE défend le budget européen «le plus ambitieux jamais proposé». Ursula van der Leyen a dévoilé, ce mercredi 16 juillet, une proposition de budget fixé à 2 000 milliards d’euros sur la période de 2028 à 2034. Le précédent budget, de 2021 à 2027, représentait 1 200 milliards d’euros – il avait été complété par un plan de relance de 800 milliards pendant la crise Covid.
L’augmentation proposée à l’avenir s’explique partiellement par le remboursement de l’emprunt européen contracté pendant la pandémie et par l’inflation. Ainsi, pour la période 2028-2032, 451 milliards d’euros sont budgétés pour la compétitivité des entreprises européennes, dans un contexte de tensions commerciales avec les Etats-Unis de Donald Trump. L’exécutif européen souligne aussi sa mobilisation en faveur de la défense, trois ans après le déclenchement de la guerre en Ukraine : il promet 100 milliards d’euros de soutien supplémentaire à Kyiv sur sept ans. A l’inverse, il prévoit une baisse dans le secteur de l’agriculture : 300 milliards seront consacrés aux «revenus des agriculteurs», contre 387 (dont 270 d’aides directes) dans le précédent budget.
Marche de protestation agricole
De quoi faire rugir le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, dont le pays est l’un des principaux bénéficiaires de la Politique agricole commune (PAC) : «L’Ukraine bénéficierait d’une aide financière massive, tandis que les agriculteurs européens seraient perdants !»
L’arbitrage n’est pas non plus au goût de la Copa-Cogeca, lobby des agriculteurs européens. Il a d’ores et déjà lancé les hostilités, en organisant ce mercredi une marche de protestation, sans tracteurs, de quelques centaines de manifestants devant la Commission. «Cette proposition est une provocation», «personne n’a intérêt à défier les agriculteurs européens, si ce message n’a pas été entendu, nous reviendrons», a prévenu le patron de la FNSEA Arnaud Rousseau, premier syndicat agricole français.
Un reflet des tensions qui vont entourer les négociations entre les 27 Etats-membres : déjà exsangues, ils ne veulent pas mettre davantage dans le pot commun. A l’image de la France, puisque l’entourage de la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, a fait savoir, ce mercredi, que le pays verserait moins que prévu en 2026 – 5,7 milliards d’euros au lieu de 7,3 milliards. Ce alors même que la liste des dépenses européennes ne cesse de s’allonger.
Bras de fer annoncé sur l’agriculture
La transformation de la PAC est déjà au cœur de la bataille. Echaudée par le mouvement de colère agricole de 2024, la Commission se veut pourtant rassurante : elle assure que la PAC continuera de fonctionner avec des règles propres et de moyens financiers fléchés. Notamment en ce qui concerne les aides directes aux agriculteurs.
Cependant, au moins deux dispositifs sur le soutien aux régions rurales défavorisées et l’innovation agricole quitteraient le giron des financements de la PAC. Ils rejoindraient ceux destinés à la cohésion des territoires. La Commission voudrait aussi revoir le mode de calcul des versements, pour mieux cibler ses bénéficiaires. Elle aimerait aussi plafonner à 100 000 euros les aides à l’hectare et introduire une dégressivité. Objectif : éviter de trop financer les plus grandes exploitations. Mais là encore, les négociations s’annoncent délicates.
Les enjeux climatiques sont un autre sujet délicat, au moment où les Verts craignent que les contraintes budgétaires poussent à sacrifier les crédits consacrés à la protection de l’environnement. Dans ce domaine comme dans d’autres, la Commission cherche de nouvelles ressources. Elle propose une taxation supplémentaire sur le tabac ou une nouvelle taxe sur les déchets électroniques non recyclés.
Quels seront les arbitrages dans deux ans ? «Comme d’habitude, tout se finira par cinq jours de négociations» lors d’un sommet entre les 27, prédit un fonctionnaire européen. Avec, en creux, la division persistante au sein de l’Union européenne entre les Etats les plus «frugaux», hostiles à un budget trop important, tels les Pays-Bas ou le Danemark, et ceux, comme la France, qui plaident pour un nouvel emprunt commun européen.