Après l’avoine, c’est au tour du sucre et des œufs. Selon les informations du Financial Times, l’Union européenne (UE) s’apprêterait à réimposer des droits de douane sur les importations de ces denrées venues d’Ukraine, à partir de vendredi. Bruxelles utiliserait ainsi, pour la deuxième fois, le mécanisme de «frein d’urgence». Une clause de sauvegarde du marché intra-européen limitant les importations agricoles ukrainiennes, conçue pour apaiser les agriculteurs qui ont manifesté dans toute l’UE au début de l’année. La Commission n’a, pour l’heure, pas confirmé cette information, mais les professionnels de ces deux secteurs s’y préparent, dans l’UE comme en Ukraine, depuis quelques semaines.
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Cette décision intervient deux jours seulement après l’ouverture officielle des négociations d’adhésion de l’Ukraine à l’UE. Soulignant l’une des difficultés majeures que devrait rencontrer Kyiv sur sa route pour devenir membre à part entière de l’Union européenne : sa puissance agricole, et les craintes que celle-ci génère chez ses voisins européens. Avec 41,5 millions d’hectares de superficie agricole utilisée et 32,5 millions d’hectares de terres arables – une superficie supérieure à l’Italie tout entière –, l’Ukraine, qui produit des denrées alimentaires à un coût inférieur aux Etats membres de l’UE, est le plus grand pays agricole du continent. La part du budget de la Politique agricole commune versée aux pays membres étant calculée en fonction de leur superficie agricole, Kyiv deviendrait, théoriquement, le principal bénéficiaire des subventions agricoles, position aujourd’hui occupée par la France.
«Frein d’urgence»
Au lendemain de l’agression russe en Ukraine, l’Union européenne a libéralisé les échanges commerciaux avec l’Ukraine en mai 2022, levant temporairement droits de douane et quotas sur les importations de produits alimentaires ukrainiens – volaille, œufs, sucre, oléagineux ou céréales –, afin d’augmenter les revenus de Kyiv et d’aider les approvisionnements à atteindre les pays en développement. Bruxelles voulait ainsi «soutenir l’économie ukrainienne de manière significative», l’invasion russe ayant «gravement affaibli la capacité de l’Ukraine à réaliser des échanges commerciaux avec le reste du monde».
Mais quelques mois plus tard, les agriculteurs polonais, hongrois ou slovaques se sont plaints de la surabondance des importations ukrainiennes. Une concurrence jugée «déloyale», qui les exclurait du marché. Certains pays ont imposé unilatéralement un embargo sur de nombreux produits, n’autorisant leur entrée que pour le transit vers un pays tiers, en violation de la législation de l’UE.
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En début d’année, les Etats membres ont prolongé le régime de libre-échange jusqu’en 2025. Mais sous la pression d’agriculteurs en colère un peu partout dans l’UE, et à la demande, notamment, de la France et de la Pologne, la mesure a été assortie d’un «frein d’urgence» : la réintroduction automatique, sous quatorze jours, de droits de douane sur certaines denrées – volailles, œufs, sucre, maïs, miel, avoine et gruaux –, équivalentes aux conditions de l’accord commercial entre l’UE et l’Ukraine signé en 2016, si les quantités acheminées dans l’UE dépassent un plafond correspondant aux volumes moyens importés entre mi-2021 et fin 2023. Le blé tendre et l’orge ne sont pas concernés.
L’avoine a atteint ce seuil en juin, avec plus de 6 440 tonnes importées depuis le 1er janvier 2024. Des droits de douane de 89 euros par tonne d’avoine ukrainienne ont alors été réintroduits, et resteront en vigueur jusqu’en juin 2025. Une décision similaire concernant les œufs et le sucre devrait être prise ce vendredi. Ces barrières douanières devraient s’élever 419 euros par tonne de sucre blanc, et à 339 euros par tonne de sucre brut. Les œufs coûteront 30 centimes de plus par kilo. Selon les chiffres de la Commission européenne, les importations dans l’UE d’œufs ukrainiens ont plus que doublé entre 2022 et 2023, pour s’établir à près de 55 000 tonnes l’an dernier.