La situation est jugée «extrêmement critique». Une brigade de l’armée ukrainienne a annoncé, ce jeudi 15 février, avoir été «urgemment redéployée» en renfort à Avdiïvka, ville de l’est de l’Ukraine et actuel épicentre des combats. Face aux assauts russes, «la troisième brigade d’assaut confirme avoir été urgemment redéployée pour renforcer les troupes ukrainiennes dans le secteur d’Avdiïvka», a déclaré cette unité sur Telegram dans un message titré «l’enfer d’Avdiïvka». Elle affirme y mener des contre-attaques sur des quartiers conquis par les Russes, qui ont lancé en octobre une offensive pour conquérir cette cité industrielle du Donbass, dégradant dès janvier la position des défenseurs ukrainiens.
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«Les forces de l’ennemi dans notre zone se montent à environ sept brigades» et des renforts continuent d’arriver, a relevé l’unité. «Nous sommes obligés de nous battre sur 360 degrés contre de nouvelles brigades que l’ennemi continue d’envoyer», a affirmé le commandant de l’unité, Andriï Biletsky. Plus réservé, l’état-major de l’armée ukrainienne a dit que les Russes poursuivaient leurs tentatives d’«encercler Avdiïvka». «Nos soldats tiennent fermement la défense, infligeant des pertes significatives aux envahisseurs» et «ont repoussé 34 attaques ennemies dans le secteur d’Avdiivka», a-t-il assuré dans son rapport matinal. Selon la chaîne Telegram DeepState, proche de l’armée ukrainienne et suivie par plus de 600 000 personnes, les forces russes ont progressé au cours de la journée de mercredi au nord et au sud de la ville dans leur tentative de couper la ville en deux, la situation «continuant de se détériorer en raison de tirs incessants». En grande partie détruite, cette ville de la région de Donetsk, brièvement tombée aux mains des séparatistes prorusses en juillet 2014, continue aujourd’hui d’abriter quelque 900 civils, d’après les autorités locales.
«Malheureusement, selon les informations transmises par les Ukrainiens, la situation est critique, avec une pression continue des Russes sur les positions ukrainiennes jour après jour. Avdiïvka risque de tomber sous contrôle russe», a averti jeudi soir le porte-parole du Conseil national de sécurité de la Maison Blanche, John Kirby.
Sur les dernières vingt-quatre heures, huit personnes ont aussi été tuées et 13 blessées dans la région, où se concentrent les combats et bombardements, selon la police. Dans la nuit de mercredi à ce jeudi, la Russie a aussi lancé un total de 26 missiles, dont 16 de croisière, selon l’armée de l’air ukrainienne. Elle a affirmé en avoir abattu 13. L’attaque a fait au moins un mort – une femme, âgée de 66 ans, tuée à Tchougouïv, dans la région de Kharkiv, au nord-est – et neuf blessés à travers le pays – trois à Lviv dans l’ouest et six à Zaporijia dans le sud –, ont rapporté les autorités. Dans la même nuit, un dépôt de pétrole s’est également enflammé, cette fois-ci côté russe dans la région frontalière de Koursk, suite à une attaque de drone ukrainien, ont rapporté les autorités. Ces derniers mois, ce genre d’attaque s’est multiplié dans une tentative de priver Moscou de ressources clés.
Une situation «extrêmement complexe» sur le champ de bataille
Après s’être rendu dans les zones d’Avdiïvka et de Koupiansk, le nouveau commandant en chef ukrainien Oleksandre Syrsky, promu après l’échec de la contre-offensive de cet été, avait déjà jugé mercredi la situation sur le champ de bataille «extrêmement complexe», admettant que l’Ukraine manquait d’hommes et d’armes. Alors que le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, est attendu pour une visite à Paris et Berlin ce vendredi, notamment pour signer un accord bilatéral de sécurité avec son homologue français Emmanuel Macron, une nouvelle enveloppe d’aide américaine de 60 milliards de dollars (près de 56 milliards d’euros) est bloquée au Congrès. Un proche conseiller du président américain Joe Biden a d’ailleurs confirmé «entendre de plus en plus souvent que l’armée ukrainienne rationne les munitions, voire en manque sur le front». Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale des États-Unis auprès de Joe Biden, a appelé le Congrès à mettre fin à «l’inaction des Etats-Unis». Ce blocage a déjà un «impact» sur le champ de bataille, a confirmé ce jeudi le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg.
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La Russie tangue en mer Noire
Kiyv peut néanmoins se targuer de continuer à faire souffrir la puissante flotte russe en mer Noire, y revendiquant mercredi la destruction d’un énième navire au large d’Alupka. L’Otan s’est ainsi félicité des «lourdes pertes» infligées en mer à la Russie, y voyant «un grand succès» des forces ukrainiennes. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a salué une attaque qui a «renforcé la sécurité dans la mer Noire et la motivation de notre peuple». Le 6 février, environ un tiers des navires militaires russes en mer Noire – «24 navires et un sous-marin» – ont été «mis hors d’état de nuire» en deux ans de guerre, selon l’armée ukrainienne. Le Kremlin n’a pas reconnu ces pertes.
Décryptage
Sur le terrain, l’ampleur de la tâche pour reprendre les près de 20 % de territoire occupé par Moscou reste toutefois immense. «Les occupants russes continuent d’augmenter leurs efforts et dépassent en nombre» les forces ukrainiennes, a déclaré le général Syrsky sur Telegram, l’Ukraine peinant à regarnir les rangs de son armée. «Nous faisons tout notre possible pour empêcher l’ennemi d’avancer sur notre territoire et pour tenir nos positions», a souligné le nouveau commandant en chef, reconnaissant que ses forces souffraient pour contenir les multiples assauts russes dans l’Est. «Nous prenons toutes les mesures possibles pour minimiser nos pertes», a-t-il assuré.
Mise à jour : à 21h55, avec la déclaration de John Kirby.