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Restrictions

L’Union européenne sanctionne le géant russe du diamant Alrosa et son PDG

Guerre entre l'Ukraine et la Russiedossier
La décision des Vingt-Sept, qui complète un premier paquet de sanctions sur les diamants, pourrait avoir un effet significatif sur le troisième marché d’exportation de la Russie, source importante de financement de sa guerre en Ukraine.
Les sanctions annoncées le 2 janvier contre le géant russe du diamant Alrosa et son PDG prévoient un gel des avoirs et une interdiction de séjour dans l’Union européenne. (Natalia Kolesnikova/AFP)
publié le 3 janvier 2024 à 19h47

Près de deux ans après les Etats-Unis, l’Union européenne (UE) a ajouté mercredi 3 janvier le groupe public russe du diamant Alrosa et son PDG, Pavel Marinychev, à la liste noire des entités et des personnalités sous le coup de sanctions. «Cela fait partie de nos efforts coordonnés au niveau du G7 pour priver la Russie de cette importante source de revenus», s’est félicité sur X (anciennement Twitter) le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell. La décision complète celle prise en décembre dans le cadre de son douzième paquet de sanctions contre Moscou depuis son invasion de l’Ukraine, d’interdire les importations dans l’UE de diamants naturels ou synthétiques en provenance de Russie, entrée en vigueur le 1er janvier. Troisième marché d’exportation derrière le pétrole et le gaz, les diamants rapportent 4 à 5 milliards de dollars par an à Moscou et sont une importante source de devises pour financer sa machine de guerre.

A ce jour, ce sont 1 950 personnes et entités qui sont, au total, concernées par les mesures restrictives de l’UE dans le cadre du conflit en Ukraine. Les sanctions annoncées mercredi contre Alrosa et son PDG prévoient un gel des avoirs et une interdiction de séjour dans l’UE. Lors de sa nomination en mai 2023, Marinychev avait déclaré vouloir «consolider la position dominante de la société sur le marché mondial du diamant […] malgré un environnement géopolitique difficile», rapporte le site internet de l’entreprise.

Sous-marin militaire

Le géant Alrosa, plus grande société d’extraction de diamants au monde, représente plus de 90 % de la production totale de diamants du pays. «L’entreprise constitue une part importante d’un secteur économique qui fournit des revenus substantiels au gouvernement de la fédération de Russie», insiste le communiqué du Conseil européen. Outre sa contribution pécuniaire au Kremlin, sous forme d’impôts et de dividendes, l’entreprise qui appartient à l’Etat russe finance le sous-marin militaire qui porte son nom, Alrosa, déployé en mer Noire.

L’UE et le G7 ont mis des mois à prendre des sanctions coordonnées contre les pierres russes, paralysés par la Belgique qui cherchait à protéger son industrie – 80 % des diamants bruts et 50 % des diamants polis du monde transitent par la ville d’Anvers. Malgré les sanctions du département du Trésor des Etats-Unis en place depuis le printemps 2022 et en l’absence de restrictions occidentales coordonnées, le secteur russe du diamant a été relativement peu affecté depuis le début de la guerre en Ukraine.

«Combler ces lacunes réglementaires»

En cause : «L’absence de traçabilité», notait fin octobre l’Ipis, un institut de recherche basé à Anvers et spécialiste des «diamants de conflit». La grande majorité des diamants russes sont en effet taillés et polis en Inde, et dès lors, jusqu’ici, considérés comme indiens. «Les Etats-Unis constituent le principal marché de consommation des diamants, rappelait l’Ipis. L’UE, avec Anvers, abrite le plus grand centre de négoce de diamants au monde. S’ils travaillent ensemble, ils ont une influence considérable sur le reste de la chaîne d’approvisionnement pour combler ces lacunes réglementaires et faire un pas important vers une gouvernance responsable des diamants.»

La Belgique a finalement fait évoluer sa position sur ces sanctions à l’automne et proposé des solutions notamment par le biais d’un système de traçage pour les rendre efficaces sans pénaliser sa propre industrie. L’interdiction d’importation dans l’UE des diamants russes taillés dans des pays tiers entrera en vigueur en septembre. A l’instar d’autres produits sanctionnés, comme le pétrole ou les semi-conducteurs, les pierres russes transitent désormais par des pays tiers devenus plateformes de réexportation, comme la Chine ou Dubaï. De nouveaux centres de taille et de polissage de diamants sont apparus dans d’anciens pays soviétiques, notamment l’Arménie.