La décision divise au sein de l’Union. Depuis l’annonce des mandats d’arrêt émis jeudi 21 novembre par la Cour pénale internationale contre le Premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou, son ex-ministre de la Défense Yoav Gallant et le chef de la branche armée du Hamas Mohammed Deif pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, les réactions européennes pleuvent. Sans s’aligner le moins du monde.
La France et l’Allemagne dans le flou, l’Italie dans la contradiction
Certains, à l’instar de la France et de l’Allemagne, entretiennent le flou. L’Hexagone, qui fait partie des 124 Etats membres de la CPI, a bien indiqué «prendre acte» de la décision ce vendredi 22 novembre. Sans toutefois préciser si le pays comptait la respecter. La France est-elle prête à arrêter Benyamin Nétanyahou s’il venait à se rendre sur le territoire national ? La question a été posée jeudi à Christophe Lemoine, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, qui a botté en touche. «C’est un point qui est juridiquement complexe, donc je ne vais pas le commenter aujourd’hui», a-t-il éludé. Ce vendredi, par voie de communiqué, le porte-parole du ministère du Quai d’Orsay a simplement rappelé «l’attachement» de Paris «au travail indépendant» de la Cour.
Du côté de Berlin, l’embarras domine également le discours politique. Comme le rappelle le gouvernement dans un communiqué paru ce vendredi, l’Allemagne est «un des plus grands partisans de la CPI» mais entretient aussi «des relations uniques et une grande responsabilité avec Israël». Pour l’heure, le pays indique «examiner consciencieusement les mesures nationales». Et sans forcément trancher, estime avec prudence qu’il «faudrait attendre que le Premier ministre Benjamin Nétanyahou et l’ancien ministre de la Défense Yoav Gallant se rendent en Allemagne pour que d’autres mesures soient prises». Répondant à des journalistes ce vendredi, le porte-parole du gouvernement, Steffen Hebestreit a déclaré : «Il m’est difficile d’imaginer que nous procédions à des arrestations sur cette base».
Enfin, l’Italie enchaîne quant à elle les déclarations contradictoires. Le ministre de la Défense Guido Crosetto a déclaré que le pays serait obligé d’arrêter les deux représentants israéliens… Mais le vice-Premier ministre Matteo Salvini a assuré que «Nétanyahou serait le bienvenu s’il venait en Italie», fustigeant au passage une «décision politique» de la part de la CPI. Pour l’heure, la Première ministre italienne Giorgia Meloni, également ministre des Affaires étrangères du G7, a annoncé que les sept grandes puissances discuteront lundi et mardi des mandats d’arrêt émis.
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Le Royaume-Uni, l’Espagne, les Pays-Bas et la Belgique prêts à appliquer la décision
Pour d’autres, en revanche, aucun doute : la décision de la CPI sera appliquée. A l’image du Royaume-Uni. «Il existe une procédure légale claire qui devrait être suivie, le gouvernement a toujours été clair sur le fait qu’il respecterait ses obligations légales», a souligné un porte-parole du Premier ministre travailliste Keir Starmer à des journalistes ce vendredi. Même discipline et application des règles du côté de l’Espagne et des Pays-Bas. Auprès de l’AFP, des sources officielles espagnoles ont souligné que le pays «respectait» la mesure et se «conformerait à ses engagements et ses obligations en vertu du Statut de Rome et du droit international». Le chef de la diplomatie néerlandaise Caspar Veldkamp a affirmé qu’en principe, les Pays-Bas feraient de même si l’une des personnes visées se rendait dans le pays.
Un peu plus affirmative, la vice-première ministre belge Petra De Sutter a estimé sur X que «les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité ne peuvent rester impunis». Et la dirigeante politique d’appeler les pays européens à se conformer à la décision de justice. Un appel qu’a également lancé Joseph Borrell, diplomate en chef de l’Union européenne. «Ce n’est pas une décision politique. C’est une décision d’une cour, d’une cour de justice, d’une cour de justice internationale. Et la décision de la cour doit être respectée et appliquée», a-t-il précisé.
D’autres Etats membres, Hongrie en tête, dénoncent une décision «politique»
Pourtant, au sein du vieux continent – et ce même si tous les Etats membres de l’Union européenne ont ratifié le Statut de Rome – les positions divergent. Inconditionnel soutien du dirigeant israélien, le Premier ministre hongrois Viktor Orbán, dont le pays occupe la présidence tournante de l’UE, a annoncé ce vendredi inviter son homologue israélien à lui rendre visite. Selon le dirigeant nationaliste, l’annonce de la CPI est une «décision éhontée, déguisée à des fins juridiques» conduisant à «un discrédit du droit international». Benyamin Nétanyahou a alors remercié Viktor Orbán pour cette invitation, saluant la «clarté morale» de son homologue hongrois.
Dénonçant du même ton la décision de la CPI, l’Autriche, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, s’est elle aussi indignée face à des mandats d’arrêt «incompréhensibles». Aux yeux de Alexander Schallenberg, «il paraît absurde de placer sur le même plan les membres d’un gouvernement élu démocratiquement et le dirigeant d’une organisation terroriste».