L’Europe, ou plutôt l’Union, est une aventure extraordinaire. Imaginer que des pays et des peuples qui se sont entretués durant quinze siècles, cette rage exterminatrice ayant atteint son paroxysme au cours de deux Guerres mondiales, soient parvenus, en quelques années, à créer un espace de paix où les conflits se règlent par la négociation et non par le fer reste un sujet d’émerveillement. Aucune région du monde, à quelque moment de l’histoire, n’y est parvenu. Certes, il y a eu des empires qui ont fait régner la paix, mais ils ont été fondés par la conquête et reposaient sur la domination d’un seul. C’est d’ailleurs pourquoi la Russie est restée et restera en dehors de l’intégration européenne, son ambition impériale et son incapacité démocratique lui interdisant tout rapprochement avant longtemps.
Devant le Parlement européen, le 17 janvier 1995, François Mitterrand avait ironiquement rappelé, pour souligner la singularité de la construction communautaire entamée cinq ans à peine après la fin de la guerre, que «la France a combattu tous les pays d’Europe, je crois à l’exception du Danemark. On se demande pourquoi ?» Et le chef de l’Etat de l’époque de saluer «ceux qui, dès 1944-45, eux-mêmes ensanglantés, déchirés dans leur vie personnelle le plus souvent, ont eu l’audace de concevoir ce que pourrait être un avenir