Au fond d’une petite cour ombragée où des vêtements sèchent au soleil au milieu des vignes, se niche le petit appartement de Janna Tepanyan. Sourire timide, la quadragénaire en ensemble de sport accueille dans ce deux-pièces en périphérie d’Erevan, qu’elle habite depuis deux semaines. Quelques photos collées aux murs apportent un semblant de chez-soi à l’ameublement sommaire. Depuis sept ans, Janna n’a eu de cesse de faire et de défaire ses bagages. 7 ans, c’est aussi l’âge de sa fille, Mariam, deux petites couettes et de grands yeux noirs espiègles. Janna l’envoie jouer dehors. «Je ne veux pas raconter devant elle», glisse-t-elle.
Avant de devenir mère, la vie de Janna était tout autre. Elle vivait avec son mari chez sa belle-famille dans sa région d’origine, à Gyumri, dans le nord-ouest du pays. «Ma vie était merveilleuse… jusqu’au jour j’ai appris que j’étais enceinte d’une fille», raconte-t-elle. En Arménie, cela n’est pas forcément synonyme de bonne nouvelle. Les garçons sont perçus comme un investissement et un prolongement de la lignée, tandis que les filles sont vues comme une perte, car elles partiront vivre dans la famille de leur mari. Une vision qui encourage la pratique de l’avortement sélectif, souvent sous pression de la famille : on avorte si l’on est enceinte d’une fille, dans l’espoir d’avoir ensuite un garçon.
«Si tu la gardes, je te renie»»
«Je voulais garder l’enfant, ça m’était égal. Mais pour ma belle-famille, je devais avorter, ils sont allés voir un médecin pour arra