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Madrid est persuadé que Moscou a commandité l’assassinat du pilote déserteur russe passé en Ukraine

Selon le renseignement militaire espagnol cité par le quotidien «El País», des tueurs à la solde de la Russie ont abattu le 13 février Maxime Kouzminov, militaire russe transfuge en Ukraine. Si ces faits «gravissimes» sont avérés, l’Espagne apportera «une réponse déterminée».
Le corps du pilote russe déserteur Maxime Kouzminov a été retrouvé criblé de balles par un commando. (AFP)
publié le 22 février 2024 à 15h03

Après la spectaculaire opération de désertion du pilote russe Maxime Kouzminov, qui avait posé son hélicoptère M-8 près de Kharkiv en août 2023, l’homme était apparu dans les médias ukrainiens pour revendiquer son geste de résistance à la politique d’invasion de Vladimir Poutine. Depuis, il avait disparu des radars. Il s’était en fait installé sous une fausse identité ukrainienne sur la côte méditerranéenne espagnole, où un commando l’a retrouvé et criblé de balles le 13 février.

Moscou avait juré de venger cet affront, d’autant que les deux copilotes, qui ignoraient les intentions de Kouzminov, avaient été tués après avoir refusé de faire à leur tour défection. Ils ont été décorés à titre posthume. Pour les services secrets espagnols, cités par le quotidien El País, l’implication de Moscou ne fait aucun doute. Même si le gouvernement se montre encore prudent : «Laissons faire la garde civile [chargée du dossier] et l’enquête progresser», a affirmé mardi la porte-parole.

Mode opératoire de tueurs à gage

Celle-ci se limite pour le moment à peu d’éléments. La victime a été surprise dans le garage souterrain de sa résidence, alors qu’elle sortait de sa voiture. Deux hommes lui ont tiré dessus avant de prendre son véhicule et de rouler sur son corps. La voiture a été retrouvée calcinée à une vingtaine de kilomètres de là. Le mode opératoire est celui des tueurs à gages, probablement venus de l’étranger et repartis sitôt leur tâche accomplie.

Des détails sur la vie incognito du pilote rebelle sont progressivement révélés. Il s’était installé à Villajoyosa, une cité balnéaire de la province d’Alicante, limitrophe de Benidorm, une place forte du tourisme de masse. Le littoral de la Costa Blanca abrite de nombreux résidents d’Europe de l’Est. Sur 36 000 habitants, Villajoyosa compte 1 200 Ukrainiens et 800 Russes, selon El Pais.

Un coup de fil à son ex-fiancée

Choisir un tel milieu pour se cacher était-il prudent ? Maxime Kouzminov, même protégé par une fausse identité, risquait davantage d’être reconnu par des immigrés de Russie ou d’Ukraine que par des Espagnols, parmi lesquels sa notoriété était moindre. Même si une enquête de voisinage indique qu’il évitait les bars et supermarchés tenus par des expatriés. Le site ukrainien Ukrainska Pravda a livré une autre information : le fugitif aurait invité son ex-fiancée, restée en Russie, à le rejoindre en Espagne. Un appel téléphonique intercepté aurait ainsi pu mettre les services de Moscou sur la trace du déserteur.

Des sources diplomatiques consultées par El País qualifient l’action de «gravissime », si la responsabilité russe se confirmait, et évoquent une « réponse déterminée » du gouvernement. La mort de Kouzminov serait en effet la première élimination d’un ennemi du Kremlin en territoire espagnol. Mais de telles opérations ont déjà eu lieu en Europe ou au Proche-Orient, organisées par un département du GRU, le service de renseignement militaire russe. La plus célèbre reste l’assassinat par empoisonnement du dissident Alexander Litvinenko, à Londres en 2006. Deux ans auparavant, c’est l’ancien président tchétchène Zelimkhan Iandarbiev qui était tué dans un attentat à la bombe à Doha, au Qatar.