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Libération
«Carence généralisée»

Main-d’œuvre exploitée : Loro Piana, une filiale de LVMH placée sous administration judiciaire

La maison de luxe, dirigée par deux des fils de Bernard Arnault, a été épinglée par la justice italienne pour avoir «facilité par négligence» l’exploitation d’ouvriers en situation irrégulière chez des sous-traitants.
A San Francisco, en 2025. Loro Piana a été achetée par LVMH en 2013. (Smith Collection/Gado.Sipa USA.)
publié le 15 juillet 2025 à 11h59

La maison de mode italienne Loro Piana, propriété du géant français du luxe LVMH, a été placée sous «administration judiciaire» en Italie pour avoir «facilité par négligence» l’exploitation d’ouvriers chez des sous-traitants à cause d’une «carence généralisée de modèles d’organisations et d’un système d’audit interne défaillant», selon le verdict du tribunal de Milan dont l’AFP a obtenu une copie lundi 14 juillet.

Loro Piana est accusée de «ne pas avoir mis en place les mesures adéquates pour vérifier les conditions réelles de travail […] des sociétés sous-traitantes». Selon les enquêteurs, la maison spécialisée dans le cachemire confiait la confection de vêtements à une société dépourvue de toute capacité productive, laquelle recourait elle-même à une autre société, qui faisait à son tour appel, pour faire baisser ses coûts, à des ateliers employant des ouvriers chinois en Italie.

«Conditions sanitaires en dessous du minimum éthique»

Ces ateliers exploitant des ouvriers en situation irrégulière ne respectaient pas la législation sur la santé et la sécurité sur le lieu de travail, notamment pour «les salaires, les horaires de travail, les pauses et les vacances». L’enquête a débuté en mai après la plainte d’un ouvrier chinois passé à tabac par son patron parce qu’il réclamait le paiement de ses arriérés de salaire.

Les carabiniers ont constaté que des ouvriers étaient logés dans des «dortoirs construits abusivement et dans des conditions hygiéniques et sanitaires en dessous du minimum éthique». Deux ressortissants chinois propriétaires d’ateliers ont été déférés devant la justice pour exploitation de main-d’œuvre, ainsi que deux Italiens pour violations des normes sur la santé et la sécurité sur le lieu de travail. Sept ouvriers dépourvus de titres de séjours ont aussi été renvoyés devant la justice.

Le tribunal a également infligé des amendes d’un montant de plus de 181 000 euros et des sanctions administratives d’environ 60 000 euros, et les activités de deux ateliers chinois ont été suspendues «pour violations graves en matière de sécurité et recours au travail au noir».

Dans un communiqué parvenu lundi soir à l’AFP, Loro Piana affirme ne pas avoir été au courant des activités de son sous-traitant et, quand la société en a été informée, le 20 mai, «elle a interrompu tout rapport avec le fournisseur concerné en moins de vingt-quatre heures». «Loro Piana condamne fermement toute pratique illégale et réitère son engagement continu dans la protection des droits humains», a-t-elle ajouté.

Plusieurs prestigieuses maisons épinglées

Loro Piana avait été achetée par LVMH en 2013. L’actuel président de la société est Antoine Arnault, fils aîné de Bernard Arnault, patron de LVMH, dont un autre fils, Frédéric, est directeur général de cette filiale italienne. Plusieurs prestigieuses maisons de mode, dont Armani, ont déjà été épinglées par la justice italienne dans des affaires similaires.

L’autorité italienne de la concurrence a ainsi contraint en mai la marque de luxe Dior, appartenant également à LVMH, à verser 2 millions d’euros d’aide aux «victimes d’exploitation» dans le cadre d’une enquête sur les conditions de travail de ses sous-traitants. L’autorité avait toutefois exclu toute «infraction».

Dans l’affaire Loro Piana, la mesure d’administration judiciaire, d’une durée d’un an, a un objectif «plutôt de prévention que de répression» afin d’éviter qu’une entreprise ne soit entraînée dans des circuits criminels, selon le tribunal de Milan.