L’Allemagne est rebranchée sur le gaz russe ! La confirmation, très attendue à Berlin et dans les capitales européennes, est tombée ce jeudi matin à 6h30. Un porte-parole du transporteur gazier Gascade a confirmé que «le gaz en provenance de Russie coule à nouveau dans les tuyaux de Nord Stream 1».
Deux heures plus tard, l’Agence fédérale des réseaux certifiait que la quantité envoyée dans les tuyaux posés au fond de la mer Baltique, 40 % du volume maximal, correspondait bien à la quantité envoyée dix jours auparavant. C’est-à-dire avant la période de maintenance du pipeline Nord Stream 1, pendant laquelle l’Allemagne n’a plus du tout reçu de gaz. «Aujourd’hui, le volume de livraison est le même qu’avant. Mais est-ce que ce sera le cas demain ou après-demain ? Si l’on entend ce que le président Poutine a déclaré à Téhéran, on peut en douter. Nous ne pouvons en aucun cas lever l’alerte», a commenté le patron de l’Agence fédérale des réseaux Klaus Müller sur la chaîne publique ARD.
La méfiance est à son plus haut niveau depuis «l’affaire de la turbine». Mi-juin, la Russie avait réduit ses livraisons de gaz vers l’Allemagne de 60 %, arguant de problèmes techniques dus à des problèmes de réparations et de pièces bloquées par les sanctions occidentales. C’est précisément cet argumentaire que Poutine a repris à Téhéran. Il a ainsi accusé les Allemands de ralentir le rapatriement d’une turbine de compression fabriquée et réparée par Siemens et retenue au Canada. Il a ensuite menacé Berlin de cesser toute livraison de gaz dès la fin juillet si le problème ne se réglait pas rapidement.
«La Russie, facteur d’incertitude»
Or, l’affaire est déjà en cours de règlement puisque sur demande pressante des Allemands, qui n’hésitent pas, tout à coup, à demander un assouplissement des sanctions, le Canada a finalement accepté de laisser partir la turbine. Ce que Poutine sait parfaitement. Par ailleurs les entreprises allemandes gèrent depuis des années une partie de la maintenance des réseaux russes. Leurs techniciens ont confirmé que Gazprom dispose de turbines de rechange. Pour Berlin, l’histoire de la turbine ressemble à une justification bidon pour utiliser le gaz comme moyen de pression.
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«La Russie se révèle de plus en plus être un facteur d’incertitude dans le système énergétique», a déclaré jeudi après-midi le ministre allemand de l’Economie et du Climat Robert Habeck. Sa réponse consiste donc à continuer à envisager le pire. D’autant plus que si les réserves remontent (65,1 %) et que les achats de gaz russe ont nettement diminué (35 % en juin contre 55 % en janvier), l’industrie et les ménages allemands sont toujours très dépendants du gaz. Le ministre a donc annoncé une longue liste de mesures d’austérité énergétique et de soutien à des solutions de repli, comme l’arrivée en renfort de neuf centrales au lignite ou du déplafonnement de la production de biogaz.
Pour Janis Kluge, spécialiste de la Russie à l’Institut allemand de politique internationale et de sécurité (SWP) à Berlin, la stratégie de harcèlement et de pression de Poutine pourrait monter en intensité avant l’hiver : «Du point de vue russe, il est logique d’utiliser maintenant le gaz au maximum comme moyen de pression, car des pays comme l’Allemagne, mais aussi l’UE dans son ensemble, vont commencer à se libérer progressivement de leur dépendance au gaz à partir de l’année prochaine», estime-t-il. En prévoyant une période de grosses turbulences.